Voyage dans le temps avec La Compagnie Robinson

Artisanat - Entrepreneuriat - Entrevue

Un passeport, c’est ce qu’il y a de plus précieux en voyage. Tant qu’à l’emmener, autant le faire avec style, de façon durable et d’emporter un peu de local à l’international. C’est pourquoi OuiSurf propose désormais des porte-passeports en collaboration avec La Compagnie de cuir Robinson, basée dans les Cantons de l’Est. Établie depuis un an, La Compagnie de cuir Robinson fabrique des accessoires éco-responsables et entièrement faits à la main. Surtout, des accessoires intemporels, qui voyagent tant dans l’espace que dans le temps. On s’est entretenu avec Patrice, son co-fondateur, pour en savoir davantage sur ce projet dont l’inspiration transcende les générations.

Pourquoi “La Compagnie Robinson”, est-ce une allusion à Robinson Crusoe?

Ça aurait pu! Mais non c’est le nom de famille de ma mère. Mon grand-père maternel a joué un grand rôle dans ma vie. Il est décédé il y a 5 ans et même si je n’ai pas fini de faire vivre son nom, j’essaye de lui faire un clin d’oeil de cette façon. C’était quelqu’un qui travaillait beaucoup de ses mains. Je l’aidais souvent, on picossait comme on dit (syn: gossaillait, patentait !). Pour faire des meubles de travail, des projets d’agrandissement ou pelleter de la terre pour du terrassement… Mais la “shed”, c’est là où toute la création se déroulait ! L’esprit d’une shop m’a toujours fasciné. Je me sens bien entouré d’outils, I guess.

Qu’est-ce qui vous distingue des autres artisans du cuir?

Notre approche est classique, c’est-à-dire que le même item sera encore là dans 10 ans, ça fait partie de ma vision. Aussi, on veut éliminer les intermédiaires. Les achats directs (avec les fournisseurs) pour nous c’est important. Ça nous permet d’offrir le meilleur prix aux clients. On veut être capable dans ce prix niche-là, qui représente un investissement, de pouvoir jouer et en redonner au monde.

Il y a des distributeurs à Montréal mais il n’y a pas de transparence. Il n’y a personne qui parle d’où vient leur cuir. J’ai travaillé pendant un an à essayer de trouver un approvisionnement de cuir, j’ai finalement trouvé une tannerie au tannage végétal aux États-Unis, Wickett & Craig. Cette tannerie basée en Pennsylvanie utilise du bétail qui est destinée à la viande, donc il n’y a pas de perte. On aimerait éventuellement y aller pour voir de nos propres yeux.

C’est quoi la différence entre le cuir au tannage “normal” et au tannage végétal?

La majorité du cuir qu’on trouve sur la marché est tanné au chrome. Ce sont des minéraux qui font en sorte que le cuir se tanne au bout de 6-7 jours. Le cuir au tannage végétal, c’est une méthode artisanale qui prend de 30 à 60 jours, où des matières organiques macèrent dans des barils de chêne. Ce type de cuir va vraiment bien vieillir.

Ce sont des produits de qualité contrairement au cuir de chrome qui finit par se déchirer. Ce type-là n’est ni compostable, ni biodégradable et comporte des matières chimiques. C’est sans parler de la manière de le traiter, avec le débit d’eau et les rejets ça implique. En Inde, par exemple, ce sont les pires tanneries dans le monde. Pour répondre à la demande, ça se fait très vite, dans de mauvaises conditions puisqu’ils sont moins biens installés pour éliminer les déchets dans l’eau. Avec les matières organiques, c’est beaucoup moins polluant.

D’où te vient cet attrait pour l’artisanat du cuir, comme à l’ancienne?

J’ai toujours vécu avec le dilemme de bien gagner ma vie, qui représente souvent un travail de bureau, versus travailler de mes mains. Quand j’étais à Montréal, je galérais pas mal à travailler de mes mains. J’ai loué des heures à l’atelier Clark, où j’ai travaillé le bois mais ça ne marchait juste pas. Au fil du temps, l’artisanat du cuir c’est vraiment venu par soi-même. Il y a quelque chose qui est venu naturellement par rapport à l’agriculture, chose par rapport à laquelle j’ai une vision. Je trouve ça étonnant qu’il n’y ait pas de tannerie au Canada, pourtant il y a tellement de boeufs!

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Tu as récemment quitté Montréal pour t’exiler dans les Cantons-de-l’Est. Gros move! Qu’est-ce qui t’as poussé à le faire?

J’ai grandi à Sainte-Julie et gravité autour du mont-Saint-Bruno. Je pense que ça été mon élément en lien avec le bois, la nature. J’avais besoin de retrouver ça, parce qu’on voulait une famille. On vient d’ailleurs d’avoir une fille, elle a 8 semaines. En déménageant à Cowansville, ça nous a permis de se rapprocher de Sutton, Bromont et on est dret’ à côté du Vermont. Les fins de semaines, on fait donc beaucoup de hiking.

Quelles sont les résolutions de La Compagnie Robinson pour la nouvelle année, et tant qu’à y être, les autres à venir?

On veut développer plus de produits pour femmes, on ne veut pas rester uniquement dans la tangente homme. Les filles peuvent s’approprier quelque chose de minimaliste autant que les gars. Je suis allé faire un atelier sur la confection de sacs, c’est donc quelque chose qui s’en vient aussi.

Puis la méthode de tannage végétal ne date pas d’hier. Elle était utilisé par les Premières Nations qui tannaient le cuir avec la pruche du Canada, l’ancêtre du pin. C’est une direction que j’aimerais prendre, travailler avec les communautés autochtones et avec un cuir sauvage qui vient d’ici. D’ailleurs, je lance l’appel, s’il y a quelqu’un qui fait du cuir avec un tannage végétal, qu’il nous contacte!