Nouvelles
Une histoire par Julia Barrette-Laperrière…
Des vagues de trois pieds. Du vent à n’en plus finir. Vingt gars dans le line-up, tous plus blonds et machos les uns que les autres, et mon bikini qui ne veut pas rester en place. Pour la place, le swell est excellent. Ça fait une bonne heure que je barbote, me faisant couper par un local une vague sur deux et plongeant maladroitement tête première (nose dive) une vague sur deux. Tout ça se passe à Ocean Isle Beach, Caroline du Nord. J’ai 14 ans, j’apprends à surfer et je suis la seule fille, Canadienne en plus, dans un groupe de surfeurs américains, dont plusieurs sont des pros (Michael Powell et Nick Rupp notamment).
C’était il y a 5 ans. Mon frère était mon idole et je voulais faire comme lui. Il m’a appris, sur un bodyboard d’abord. À 14 ans, j’ai hérité de son vieux board: tête de mort et flammes sur le dessus comprises. Seule fille à surfer sur la plage, j’avais définitivement la planche la plus badass…! Maintenant, les locaux me saluent, et reconnaissent à regret que je «shred», en s’empressant de rajouter «pour une fille». J’arrive enfin à comprendre leur accent du sud – il était temps puisque je passe mes étés sur cette petite île comme prof de surf depuis 3 ans – et commence même à aimer le mélange bizarre de rap ghetto et de country qu’ils écoutent dans leurs 4×4 qui semblent tout droit sortis de Pimp my ride.
L’an passé, je me suis finalement laissée convaincre et me suis inscrite au East Coast Wahines, une compétition de surf uniquement destinée aux filles. Avec mon frère comme pseudo-coach à mes côtés, j’ai réussi à me classer 2e en finale, juste avant de briser mon board en deux, le nose complètement sectionné. Comble d’ironie, une planche neuve devait être remise à la première, mais celle-ci, faisant partie du Team USA, était déjà repartie s’entraîner en Floride. Dommage qu’ils ne puissent donner le prix à la runner-up…
Cette année, j’ai participé au Pro-am Reef Sweetwater Surf Fest, une compétition majeure de la côte est, où plusieurs surfeurs professionnels se déplacent de Californie, d’Hawaï et d’Australie, où j’ai obtenu la 3e place dans la catégorie Shortboard girls open.
Mais depuis la compétition, plus rien. Flat! Bien que je sois privilégiée de passer l’été à la mer, cela fait deux semaines que je me morfonds devant un océan sans vagues, implorant Poseïdon et essayant toutes sortes de danses inimaginables en vain. Devant le manque d’ouragans flagrant, la surfeuse montréalaise que je suis, évidemment née dans le mauvais pays, doit se résoudre à ramasser ses sous et partir en voyage ! Ce sont entre autres de trop courts voyages au Cap Hatteras, au Nicaragua et au Salvador qui m’ont permis d’amener mon surf à un plus haut niveau.
Entre les espoirs de voyage dans le sud, les autres options, à Montréal, sont le surf de rivière, ou encore, ce que j’aime appeler l’option du pingouin criminel. Pingouin parce que les vagues les plus proches, c’est dans le Maine, et l’eau est frette ! Pas froide, frette ! Et aussi, parce que 80 surfeurs en wetsuit noir dans l’eau, ça ressemble assez bien à un tas de pingouins… essaie de trouver le bon quand tu es supposée filmer ! Criminel parce que quand tu passes la frontière à 4h du matin, moins cinq degrés celsius, puis que tu dis au douanier que tu t’en vas faire du surf… tu es sûre de te faire fouiller !
Attendez de voir : un jour j’irai jusqu’à surfer la Mer de la Tranquillité !
Julia.