Retour aux sources avec le bois de Balsa

Shaper un board, c’est peu une consécration. Une étape qui doit faire partie de la vie de tout bon surfeur. Pour certains, shaper peut représenter une forme d’expression. Pour d’autres, une thérapie.

12 janvier 2017

Shaping

C’est exactement ce que Ben avait en tête lorsqu’il s’est exilé en Équateur pendant près d’un mois: prendre un break de technologie pour créer quelque chose de tangible à partir de ses mains. Un retour aux sources s’imposait, un besoin de contact avec la matière première et pas n’importe laquelle. En débarquant au Balsa Surf Camp, Ben s’est donné comme objectif de shaper une planche en bois de balsa, de A à Z.

Balsa Surf Camp

L’école de surf et hôtel Balsa Surf Camp est situé à Montañita, un village reconnu pour ses vagues, sa longue plage et surtout le surf vibe qui l’anime. L’équipe de OuiSurf a découvert le Balsa Surf Camp en 2010 lors du tournage de Mitad Del Mundo. Ben avait alors rencontré les propriétaires des lieux, Ceaear aka Rasty et sa copine Julie, un duo d’épicuriens du surf classique. Ensemble, ils ont conçu à la main cet établissement au design autant pratique qu’écologique. Grâce à son atmosphère détendue, sa location tout près de l’océan et la gentillesse de ses hôtes, le Balsa Surf Camp est un vrai coin de paradis équatorien. Parfait pour cette retraite de technologie!

Matière première: le balsa

Déjà que shaper un board représente une expérience assez unique, en fabriquer un à partir de balsa accentue ce feeling. Le balsa, c’est un type de bois qui provient des arbres du même nom (Ochroma pyramidale) qui croissent principalement en Amérique du Sud et central. Il s’agit d’un bois précieux puisque son arbre ne pousse que dans des conditions particulières, nécessitant notamment un climat tempéré. Il est également reconnu pour sa légèreté, tellement qu’il a été utilisé pour la construction des ailes du premier avion piloté par les frères Wright. Une centaine d’années plus tard, le balsa continue de nous faire planer, d’une toute autre façon! Ce bois noble est aujourd’hui utilisé non seulement pour faire des planches de surf mais aussi pour la fabrication de bateaux. D’ailleurs, balsa signifie en espagnol «radeau».

Grâce à sa terre à bois de balsa, Rasty peut récolter le bois lorsqu’il est mûr, soit environ 5 ans après que l’arbre ait été semé. Pour pousser l’expérience, il est même possible pour un visiteur du Balsa Surf Camp de planter son arbre et de revenir plus tard afin de le cultiver et en faire une planche.

Si une planche de balsa est généralement plus dispendieuse que tout autre type de matériel, elle est moins sensible aux dings qui se creusent habituellement rapidement. En cas de bris, il suffit simplement d’appliquer de la fibre de verre, sans avoir à passer la planche sous le bistouri pour la remplir de mousse, puisqu’elle n’en contient pas.

Dans le ventre d’un shaping room équatorien

Le lieu sacré, la salle d’opération et d’accouchement, tout ça en même temps. Chaque soir, après avoir passé la journée dans les vagues, Benjamin passe en moyenne 3h dans cet antre équatorien. À travers la poussière et l’odeur forte de brin de scie, Rasty dirige ses mouvements afin de définir la forme de la planche. Tests après tests se dessine ce qui deviendra un surfboard, à mi-chemin entre le genre moderne et rétro.

Shaper une planche en balsa en 10 étapes

1. Déterminer le style de la planche

L’étape de base et non la moindre: déterminer quel genre de planche il vous faut. Shortboard, longboard, fish tail, la décision vous revient basée sur le temps et l’argent que vous voulez investir (plus il y a de matière, plus cela sera long et cher) mais surtout basée sur votre style de surf. Shaper son propre board, c’est d’abord de pouvoir créer à partir de cet élément tout en injectant sa personnalité pour en faire une planche unique.

2. Choisir sa matière première

Habituellement, il s’agit d’un foam en polyuréthane ou en résine polyester. Mais dans le cas d’une planche de balsa, la matière première est évidemment le balsa. C’est un choix plus écologique puisqu’aucune particule toxique n’est libérée contrairement au foam lorsqu’il est shapé.

3. Construire le squelette

Pour un shaper «traditionnel», il s’agit de découper dans un foam alors que pour un shaper de balsa, il s’agit de le créer en assemblant le squelette de la planche. Cela se fait d’abord en assemblant des lanières de balsa côte à côte avec de la colle à bois, et ce par deux fois pour créer deux planches. Elles sont ensuite superposées l’une sur l’autre. On applique des spacers en balsa qui forment alors une chambre d’air tout en séparant les deux pièces sur la largeur.

Ce qui constitue la partie principale de la planche de surf est par la suite coupée en deux sur la longueur, un stringer en cèdre séparant les deux parties. Cela lui assure robustesse et solidité. L’ajout des rails se fait en collant cinq épaisseurs de planches de balsa sur chaque côté. Voilà qui vous donne un foam en bois de balsa!

4. Shaping

L’étape où tout se joue! Celle qui consiste à véritablement donner la forme finale de la planche, d’abord avec une scie à bois puis d’un rabot et d’un papier sablé. Plusieurs éléments influencent cette étape, dont le volume désiré. Pour le déterminer, divers facteurs entrent à leur tour en ligne de compte. Le calculateur de volume Board Engine peut vous faciliter la tâche. Il prend en considération l’âge, la physionomie, les conditions physiques, le niveau de surf, les types de vagues habituellement ridées. Puis, le rocker désiré va aussi influencer le shaping et éventuellement, l’expérience dans l’eau. Par exemple, les petites planches comme celle de Ben qui n’ont pas trop de rocker permettront de prendre plus de vitesse dans la vague et vice-versa. On vient ensuite ajouter le nose et le tail à la planche. Puisque que ce sont les parties les plus vulnérables aux chocs, le bois de cèdre est privilégié pour sa résistance supérieure au balsa.

5. Personnalisation

C’est ensuite le temps de personnaliser la planche avec un logo, l’inscription de ses dimensions et une signature! On applique par après un scellant tout autour de la planche à l’aide d’un gros pinceau.

6. Fibre de verre

On recouvre la planche d’une fine membrane représentant la fibre de verre. Le nombre d’épaisseur déterminera le poids et la rigidité de la planche. Dans le cas d’une planche de balsa, deux suffisent mais une troisième couche est ajoutée à la hauteur des ailerons (fins) pour davantage de solidité. À l’aide de résine, le noyau de la planche sera scellé.

7. Sablage

Un sablage est nécessaire pour enlever les imperfections.

8. Application des dérives

Reste à fixer les boîtes qui accueilleront les fins. Encore une fois, le choix du nombre de fins doit être pensé selon le type de vagues ridées et le style du surfeur. Dans le cas de Ben, ce sont cinq boîtes qui sont apposées sur sa planche pour qu’il puisse minimalement rider avec 4 fins (quad) ou 3 fins (truster).

Surfer avec une planche traditionnelle vs en bois de balsa

Bien qu’il soit plus long à shaper qu’une planche de surf en fibre de polyester, le bois de balsa pardonne davantage en cas de faux mouvement compte tenu de sa plus grande résistance. Mais qu’en est-il de l’effet de la planche une fois dans l’eau?

D’abord, le bois, c’est plus lourd que de la fibre de verre. Apporter une planche de balsa à l’eau requiert donc un peu plus d’effort même s’il s’agit d’un bois léger. Sa rigidité rend toutefois la planche moins nerveuse, plus lente sur les virages et se prête donc parfaitement à un style davantage axé sur une forme artistique que de performance. Ceux qui adhèrent au style old school s’y retrouveront aisément.

D’un point de vue esthétique, c’est évidemment un type de planche qui a beaucoup de cachet à en témoigner par les regards qu’il attire…. C’est sans parler du feeling roots qui l’accompagne! Si une planche de balsa tire ses origines des arbres, elle représente aussi un retour à l’essence même du surf. De la simplicité et du plaisir qui en découle. Mais aussi et surtout de la connexion aux éléments, de la terre à la mer.

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C’est à la mémoire de notre ami Moyo, chauffeur au Eldorado Surf Camp, que nous dédions cette planche de surf.