Côte Ouest - Portrait - Surfeurs - Tofino
Dans les couloirs et sur les bancs de l’Université de Victoria en Colombie-Britannique, Michael Darling a l’air d’un étudiant ordinaire. Mais celui qui étudie l’ingénierie mécanique partage son temps entre les livres et l’océan Pacifique, qu’il côtoie depuis toujours. Même s’il est surfeur professionnel au sein de l’équipe de Reef depuis bientôt 2 ans, Michael s’obstine à enchaîner les cours et examens pour obtenir son diplôme. C’est pendant une pause d’études qu’il nous explique pourquoi à 22 ans, il choisi de poursuivre deux voies à la fois, dont la direction semble peut-être moins opposée qu’on le croit.
Crédit photo: Marcus Paladino
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C’est pendant une année sabbatique à voyager au sein de l’équipe de Reef que Michael a pris la décision de retourner à l’école. Et ce, malgré les sessions de surf incroyables à Hossegor ou alors sur la côte Est, partagées avec Pete Devries, Shannon Brown et Logan Landry qu’on a vu dans Common Ground.
« Michael Darling progresse à une vitesse étonnante. Je dirais que c’est l’un des surfeurs qui a fait le plus de progrès au Canada ces dernières années. » – Pete Devries
« Ça été très challenging de décider de retourner à l’école après une année extraordinaire de voyages, à voler partout. Mais je suis content d’être de retour maintenant. Je vais être tellement bien dans un an et demi, après avoir obtenu mon diplôme d’ingénierie. » – Michael Darling
Une conciliation difficile
Aujourd’hui enseveli d’examens, Michael trouve tout de même le temps de continuer à surfer. Une fois par semaine, il prend la route vers Sombrero, à environ 2h de route de Victoria. «Mais c’est difficile», confesse-t-il. «J’ai six des cours des plus difficiles cette session qui prennent beaucoup de temps […] C’est une bonne pratique à la gestion du temps et à la planification.»
Si ses notes ne se trouvent pas affectées par la conciliation surf-études, c’est sa condition physique qui paye le prix. «Quand je suis en cours, j’en profite pour apprendre le plus que je peux. Pour moi, n’obtenir que la note de passage ce n’est pas suffisant. Mais j’ai remarqué que mon fitness en subit les conséquences. Je ne paddle plus aussi longtemps qu’avant.»
C’est donc le surf qu’il met sur pause «parce que faire les deux à 100% est impossible», aux dires de l’athlète. Michael a tout de même la chance de faire partie d’une équipe qui le supporte dans sa décision. La gestionnaire du marketing chez Reef, Anouck Chandonnet, le confirme: « J’essaye de rendre le choix de Michael plus facile, de le supporter sans lui donner la pression de performer. Je crois fortement en ses talents en surf mais il est tellement bon à l’école! C’est quelque chose qu’il doit avoir en poche avant de mettre toute son énergie dans le surf. »
Michael continue de participer à la compétition annuelle Rip Curl Pro Tofino qui aura lieu en mai prochain, mais l’horaire des cours ne lui permet pas d’autres déplacements. «Mais une fois que je terminerai l’école, j’aimerais m’essayer à un niveau plus élevé». Au fil de notre conversation, la hâte de Michael d’en avoir fini avec le diplôme surgit à quelques fois. Veut-il donc réellement devenir ingénieur mécanique, ou est-ce seulement pour le diplôme qu’il bûche de la sorte? Ou veut-il se consacrer entièrement au surf professionnel?
« Un mix entre les deux serait mon rêve. Pouvoir à la fois utiliser mon cerveau tout en m’investissant dans le surf canadien. Je suis conscient que les deux requièrent du temps, mais ce serait réellement mon rêve. » – Michael Darling
Aucun athlète diplômé sur le tour de la WSL
Peut-on en vouloir à Michael d’envisager la poursuite de ses deux rêves? Au contraire. Mais pour donner un petit reality-check au jeune surfeur, je l’informe qu’aucun athlète, ni masculins ni féminins, du tour de la World Surf League (WSL) n’a d’études universitaires en poche. « Je ne savais pas! Ça me démontre que pour atteindre ce niveau, il faut tout mettre de côté et se dédier entièrement au surf professionnel. […] J’imagine qu’à un certain point, je devrai trouver un compromis entre les deux. »
Michael apporte néanmoins une nuance au surf professionnel, qui peut à la fois s’exercer sur le tour, ou loin de celui-ci en tant qu’ambassadeur d’une marque. Il explique aussi que plutôt que de travailler dans une grosse firme d’ingénierie, il aimerait avoir sa propre compagnie, dont la flexibilité lui permettrait de surfer. « Une manufacture de design de prototypes. Il pourrait y avoir une niche à Tofino», précise-t-il. Des prototypes de quoi? «Je ne sais pas encore!» répond-t-il en riant, avec la désinvolture propre aux surfeurs, celle qui déclenche automatiquement la sympathie.
«Q&A» et le choix ultime
On a tout de même mis Michael à l’épreuve pour voir ce qu’il préfère entre les pires côtés de l’un et de l’autre. Il n’en fallait pas moins pour lui sortir les verres du nez, puisque devant l’obligation de choisir, le surf l’emporte.
Un wipeout ou une initiation? Wipeout! Je ne suis pas allé à mes initiations. J’étais très centré sur mes études à ma première année.
Surfer sur un fond de reef à marée basse sans booties ou un examen de mi-session? Probablement surfer. J’ai eu 5 examens de mi-sessions la semaine dernière!
Fuck up un heat ou fuck up une dissertation? Je dirais un heat parce que tu n’as pas vraiment d’autre chance pour te rattraper avec une dissertation.
D’ici 5 ans, surfeur professionnel ou ingénieur mécanique? Ça, c’est dur… Je dirais surfeur professionnel. Je ne crois pas que je pourrais regarder un bureau ou un ordi chaque jour de 9h à 17h. Ce n’est pas là où j’ai envie d’être.
Reste que ce que recherche Michael correspond à une forme d’équilibre entre deux sphères saines qui le passionne. Alors, pourquoi devoir choisir une seule voie si deux chemins parallèles se suivent, et ne sont pas si éloignés l’un de l’autre? Malgré la spécialisation généralement prônée par la société, Michael démontre le talent et la motivation nécessaire au pari de la multitude.