Des vagues dans les Grands Lacs: comment c’est possible?

Alors que le surf s’est longtemps pratiqué en eau saline océanique, sa pratique s’est répandu dans la dernière décennie à une vitesse fulgurante, bien au-delà de la mer. Les surfeurs rident maintenant plus de vagues que jamais: qu’elles soient chaudes, froides, statiques, naturelles ou artificielles.

Entre la côte est et ouest du Canada, les Grands Lacs sont devenus le terrain de jeu d’une communauté de surfeurs en perpétuelle chasse aux tempêtes. Pendant que les écoles sont fermées et que les autorités recommandent de ne pas quitter domicile, nous délaissons le confort de nos foyers pour le thrill de surfer en eaux douces. Si certains se questionnent sur ce qu’il se passe entre nos deux oreilles, la plupart se demandent comment donc est-il possible qu’un lac puisse recevoir des vagues assez belles pour être surfées?!

Crédit photo: Lucas Murnaghan et Antonio Lennert 

Vent

Le vent, c’est le facteur numéro un, sans quoi il n’y a pas de vagues. Nos swells sont générés par de forts vents résultant de système dépressionnaires qui se déplacent au dessus des lacs. Pour obtenir des vagues de minimum 2-3 pieds, les vents doivent souffler constamment à un minimum de 35km/h pendant au moins 5h dans la même direction. Bien qu’il y ait des vagues en été, les systèmes dépressionnaires balayent les Grands Lacs surtout entre l’automne et le printemps, faisant de ces mois les plus froids de l’année les plus propice au surf! Ceux qui vivent près d’un des Grands Lacs ne s’aventurent habituellement pas près de ses côtes dans de telles conditions.  C’est pourquoi plusieurs d’entre eux n’ont même jamais vu de vagues aux alentours.

 

Fetch

Les fetch sont aussi essentiels à la formation de vagues que ces vents forts et puissants. Un fetch, c’est la distance sur une surface d’eau sur laquelle le vent souffle sans rencontrer d’obstacle. Plus grande est la distance, plus loin le vent voyage et incidemment les vagues aussi. Puis, plus grosses peuvent-elles devenir! Si on prend alors le parc provincial de Sandbanks sur le littoral du lac Ontario et qu’on regarde vers l’ouest, on comprend qu’il y a une plus grande distance – et donc un plus grand fetch – entre ce lieu et Toronto qu’entre ce lieu et Rochester.

Température de l’air et de l’eau

Si pour plusieurs la température n’a qu’un impact sur l’épaisseur du wetsuit, c’est pourtant un élément qui affecte le processus de formation des vagues. Plus la température de l’air et de l’eau est basse, plus les molécules seront denses. Cela signifie qu’elles sont plus compactes et serrées entre elles sont donc plus faciles à déplacer par le vent que si l’air et l’eau étaient chauds. Ça requiert donc moins d’énergie de la part du vent pour générer des vagues! C’est pourquoi la meilleure saison pour surfer dans les Grands Lacs est en hiver. On reçoit alors des vagues de bonne taille sans nécessairement beaucoup de vent puisque la température de l’air est bien en deçà de la barre des zéro et celle de l’eau est tout juste supportable avec l’équipement adapté. C’est sans mentionner le feeling indescriptible et quelque peu contradictoire que celui d’être entouré d’amis mais aussi d’être un peu seul parmi toute la blancheur de la neige qui couvre le sol et de le ciel…

Malgré tous ces facteurs clés rassemblés, ça reste parfois difficile de trouver des vagues “clean”. C’est une quête sans fin pour un surfeur des lacs! Mais ça reste possible. Si tu prends un spot où le vent souffle onshore, c’est-à-dire de l’eau vers la côte dans le même sens que les vagues, les chances sont assez élevées que celles-ci soient messy. C’est quand le vent souffle offshore, donc de la côte vers l’eau, que ça permet aux vagues d’atteindre les sandbars et le reef de roche et que les choses deviennent intéressantes. Ajoutez à cela une structure comme un quai qui bloque le vent et puis voilà! C’est là que les vagues les plus “clean” se trouveront.

Il faut tout de même se rappeler qu’on surfe souvent dans l’oeil de la tempête et qu’éventuellement, elle finit par passer. Le vent change alors soudainement de direction et c’est à ce moment que servent des connaissances plus poussées sur le forecast, également pour bien planifier sa sortie à l’eau. Pour en apprendre davantage sur les technicités du surf dans les Grands Lacs, des workshops se tiennent une fois par mois à Toronto surf city. Une autre bonne raison de visiter la métropole ontarienne et de venir nous saluer au passage! Dans tous les cas, nous le répéterons – there are no bad days.  

Par Antonio Lennert, instructeur de surf et co-fondateur de Surf the Greats.
Traduit de l’anglais par Sophie Lachance