Voilier Orange : voyager au rythme des vagues

Héra, P-O et Martin ont pris le large il y a maintenant 8 mois pour entreprendre un long voyage en voilier. La chanteuse country-folk et le directeur artistique ont quitté le Québec à bord du Voilier Orange pour voguer vers le sud. Depuis, leur vie s’organise autour de l’eau, au rythme des vagues et du vent. Rencontre avec les trois aventuriers marins.

Tout quitter pour prendre la mer

P-O le capitaine rêvait de partir depuis longtemps avec son propre bateau, histoire de voyager à son rythme. Héra, elle, rêvait d’un long voyage et l’idée de le faire en voilier l’attirait. À eux s’est joint un chaton : Martin. Ensemble, ils ont quitté Repentigny en juin 2018 après plus d’un an de préparation.

Un voyage en voilier, ça se planifie. P-O faisait de la voile et possédait son propre navire depuis plus d’une dizaine d’années. Avant le départ, il avait suivi plusieurs formations : mécanique diésel, survie en mer, radiocommunication, plongée sous-marine et météo maritime. L’expérience de navigation d’Héra était beaucoup plus basique, mais cela ne l’a pas empêchée de partir pour autant.

«J’avais déjà navigué quelques fois sur le Lac Champlain avec mon parrain, quelques fois également sur le fleuve entre Tadoussac et Québec avec un ami mais c’est tout ! Très différent de vivre sur un bateau et de faire de longues navigations !» – Héra

Des maps et du sablage

Après avoir acheté le bateau à Tadoussac, ils l’ont ramené à Montréal histoire de pouvoir y faire quelques travaux. Une fois rapatrié, il a subi une petite transformation : installation d’un frigo, réfection du système électrique, peinture intérieure et extérieure. Le voilier devait être assez confortable pour devenir leur maison. Surtout, il devait leur permettre de parcourir plus de 6500 kilomètres en mer.

Les amoureux ont finalement largué les amarres le 17 juin dernier. Ils ont fait une escale de deux semaines à Tadoussac avant de traverser vers le Bic, puis la Côte-Nord et Baie-Comeau. Ils ont fait le tour de la Gaspésie jusqu’au fond de la Baie-des-Chaleurs, pour ensuite traverser vers les Îles-de-la-Madeleine. Début septembre, ils ont fait leurs adieux au Québec pour gagner la Nouvelle-Écosse, puis le New Hampshire. Ils ont ensuite longé la côte Est américaine jusqu’à Miami avant de mettre le cap sur les Bahamas. Rhum aidant, ils y sont restés presque 3 mois avant de lever l’ancre pour Turks and Caicos.

« C’est génial de vivre sur un bateau. Ta maison se déplace en flottant et peut te faire découvrir des coins de pays qui ne sont accessibles que par la mer! » -P-O

Voilier dans le Bic
Le parc national du Bic dans l’estuaire maritime du Saint-Laurent | Photo fournie par le Voilier Orange

Petites et grosses badlucks

Le voyage en voilier n’a pas toujours été de tout repos. Il y a eu la fois où Martin le chat a passé par-dessus bord. Au moins, l’accident a permis à Héra et P-O de constater qu’il savait très bien nager.

Puis, Héra a découvert qu’elle avait le mal de mer. Heureusement, elle a développé certains petits trucs pour mieux le combattre. Elle sait maintenant qu’elle ne doit surtout pas aller dans la cabine, puisque c’est souvent là que tout commence. Elle a aussi fait la connaissance de ses nouveaux meilleurs amis : les biscuits soda, qui l’aident à prévenir le mal de mer.

Et finalement, il y a la fois où le Voilier Orange a été secouru in extremis par la Coast Guard américaine entre Boston et New York.

« Après une longue journée de voile dans des conditions assez rough, j’arrivais enfin devant le Port où j’avais prévu passer la nuit. J’ai allumé le moteur et sans que je puisse m’en rendre compte, l’écoute bâbord du génois (une corde qui relie la voile avant à un winch) s’est coincée dans l’hélice du moteur. Comme il ventait très fort et qu’il restait un bout de voile, l’écoute a tiré sur le moteur et l’a fait reculer de quelques centimètres. Notre compagnie d’assurance ne voulait même pas envoyer de towing pour me porter assistance vu l’état de la mer… c’est dire! Heureusement, la Coast Guard américaine qui a entendu mon message à la radio est venue me prendre en remorque pour m’aider à entrer dans le port, qui n’était qu’à quelques centaines de mètres… Ensuite, nous avons été coincés deux semaines à Huntington, Long Island près de New-York pour faire réparer le moteur. » – P-O

Apprendre de ses erreurs

Avec les badlucks viennent les apprentissages. Selon Héra et P-O, il faut garder en tête qu’en bateau, les plans sont toujours appelés à changer puisqu’on est à la merci de Dame Nature. Il faut savoir lâcher prise.

Ils ont aussi réalisé qu’il y avait encore du bon monde sur terre… mais surtout sur l’eau :  « On a aussi été amené à voir que le milieu des « cruisers » est rempli de gens généreux, prêts à venir en aide et à rendre service. Et finalement, on s’est rendu compte que la beauté des paysages que l’on découvre n’a d’égale que la qualité des rencontres que l’on fait. » – Héra

Bahamas en voilier
Bahamas | Photo fournie par le Voilier Orange

L’eau potable : une denrée rare en voilier

Quand on leur demande quel a été leur plus grand défi d’adaptation jusqu’à maintenant, c’est d’abord la question d’être ensemble jour après jour, 24/24 dans un si petit espace qu’ils soulèvent.

Puis vient ensuite le fait de vivre sur l’eau. Le capitaine et ses mousses ne peuvent pas se dégourdir les jambes aussi souvent qu’ils le souhaiteraient, parce qu’ils ont fait le choix, question de budget, de s’ancrer plutôt que de louer une place à quai. Donc, aller faire l’épicerie ou le lavage devient rapidement compliqué : «Chaque fois qu’on veut aller sur terre, c’est une aventure, pas toujours simple: il faut gonfler le dinghy, installer le moteur, se rendre à terre, s’il y a des vagues souvent on arrive détrempé… trouver un endroit où amarrer le dinghy, et j’en passe. » – P-O

La vie à bord d’un bateau les force aussi à faire beaucoup plus attention à leur réserve d’eau potable, qui est limitée à bord, et à l’électricité qu’ils doivent produire eux-mêmes avec des panneaux solaires. Une bonne gestion est indispensable.

«L’eau douce à bord est une denrée rare, on y fait beaucoup plus attention que sur terre, dans un appart ou dans une maison! Pour que l’eau coule du robinet, il faut pomper au pied et ça coule par petit jet. On s’habitue! On s’est même dit que si un jour on se construisait une maison, ça pourrait être bien de se mettre une pompe à pied à nos robinets. Ça nous fait beaucoup économiser l’eau.» – Héra

Et l’environnement dans tout ça?

Même s’ils étaient déjà au fait de la fragilité des écosystèmes qu’ils allaient traverser, Héra et P-O admettent qu’il n’y a rien de tel que de voir et de vivre la beauté de la vie sous-marine pour réaliser son importance et prendre action. C’est avec tristesse qu’ils admettent avoir rencontré beaucoup de fonds marins en mauvais état ou même morts. Au-delà de l’état de l’océan, c’est la conscience environnementale des autres qui les a ébranlée : « Les habitants, exemple des Bahamas, ne sont pas du tout rendus où nous sommes côté conscience environnementale. Il faut que ça change. Et ça devrait commencer par l’interdiction de l’utilisation de produit néfaste pour les coraux comme par exemple le bleach. » – Héra

Des conseils pour prendre le large

Leur meilleur conseil pour ceux qui voudraient se lancer : il ne faut surtout pas brûler d’étapes. Mieux vaut commencer par de petites aventures. Partir quelques jours sur le Lac Champlain ou sur le Fleuve pour s’assurer qu’on puisse vivre dans un endroit aussi petit qu’une cabine de bateau, par exemple. Et avant de se lancer dans un tour du monde en bateau, «il y a pas mal de croutes à manger», comme dit P-O. Pour bien se débrouiller en mer, il faut suivre les formations nécessaires. De son côté, le capitaine du Voilier Orange a suivi ses cours de navigation au Centre Marin des Blanchons, à Rimouski. Pour la formation de mécanique diésel, c’est à l’École de voile Premier Vent qu’il est allé.

Mais au final, «le plus important, c’est d’avoir un projet concret avec une date précise de départ. Ensuite, il faut partir… et on s’organise toujours en chemin, en autant qu’on soit en chemin!»

Héra, P-O et Martin poursuivent présentement leur voyage vers le Sud. Quand le wifi le permet, ils partagent leurs aventures en photos et en vidéos sur la page Facebook du Voilier Orange. Mais c’est surtout à travers leur série vidéo, dont les 11 premiers épisodes sont disponibles sur YouTube, qu’ils nous en mettent plein les yeux. Attention : il faut prévoir assez de temps pour s’enfiler toute la série d’un seul coup. Inspiration garantie.

T’en veux plus ? Du contenu exclusif de même que les épisodes vidéo en primeur sont disponibles sur Patreon. En échange d’un petit don, tu permets à Héra, P-O et Martin de continuer leur route… et la production de vidéo, à notre plus grand bonheur à tous.

 

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