Surfer les Grands Lacs à -20°C

Lisse comme un lac. Calme comme un lac. Un vrai lac. Souvent accompagnées d’un soupir, ces expressions sont couramment utilisées pour décrire une surface sans vagues. Il faudra en trouver d’autres parce que oui, après les océans et les rivières, les lacs peuvent eux aussi recevoir une houle propice au surf! C’est le cas des Grands Lacs canadiens dans lesquels la communauté torontoise Surf The Greats a établi son terrain de jeu, même sous la barre des zéro degrés! 

Crédit photo: Lucas Murnaghan

Si ce n’était de leur combinaison épaisse, leur cold water wax et les glaçons qui prennent dans leur barbe et cheveux, les surfeurs de Surf The Greats (STG) se fonderaient dans la masse de surfeurs des Grands Lacs. C’est leur acharnement et le plaisir qu’ils tirent de chacune de leur session qui les différencient. Né de l’initiative du Brésilien Antonio Lennert, STG offre depuis bientôt trois ans des cours de surf et de SUP, comptant aujourd’hui une quinzaine d’instructeurs et de collaborateurs.

Quelques membres de Surf The Greats à Kincardine, dans le Lac Huron.

STG tient aussi des workshops chez MEC sur la science météorologique du surf dans les Grands Lacs, le surfing etiquette ainsi que les règles de sécurité relatives à ce sport. C’est d’ailleurs l’aspect de la sécurité qui a motivé Antonio à démarrer STG. D’abord, en faisant son accréditation d’instructeur de surf reconnu par l’International Surfing Association, puis en rassemblant plusieurs des communautés existantes autour des Grands Lacs.

« When there are big swells here, you get nasty rips and currents. I saw a lot of guys putting their lives in danger, finding a board and jumping off a pier. » – Antonio Lennert, fondateur de STG 

Un appel à l’instinct

STG organise des trips à partir de Toronto jusqu’aux spots où, selon le forecast, les vagues permettent de surfer. Cela prend entre 30 minutes et 3 heures, tout dépendant vers quel lac ils mettent le cap, d’où l’importance d’une bonne lecture des conditions météo. L’été, STG opte habituellement pour le lac Érié puisque c’est celui qui nécessite le moins de vent pour que les vagues se forment. Les lacs Supérieur, Huron et Michigan peuvent être surfés à l’année, quoique la formation de glace empêche parfois les surfeurs d’y plonger. Quant au lac Ontario, qui est aussi le plus près de Toronto, c’est la saison hivernale qui est propice aux meilleures vagues.

Quand on les questionne sur le froid extrême qu’ils doivent braver pour surfer en hiver, le photographe qui immortalise les sessions de STG répond par le dicton que si la douleur est inévitable, la souffrance est optionnelle. Oui, mais quand même, se jeter à l’eau quand il fait moins vingt dehors ne relève-t-il pas de la folie? Ce serait plutôt en réaction à une ère où tout est confortable et facile que s’inscrit cette pratique.

« In modern times, people crave a little bit of struggle, of suffering. Things are too easy so there’s this human part of you that wants to be challenged, to find something that is beyond what you think is possible. » – Lucas Murnaghan, photographe de STG  

Pas juste une question de vagues

Même si l’eau est congelée et les vagues chaotiques, rien ne semble décourager ces surfeurs qui accordent une valeur inestimable aux Grands Lacs. Ceux-ci représentent 21% de la surface d’eau douce de la planète, ce qui en fait le plus grand réservoir au monde. Une ressource de plus en plus précieuse, rappelle Antonio. Le nom Surf The Greats ne fait d’ailleurs pas seulement référence à Surf The Great Lakes, mais aussi à Surf the Greatest Places on Earth. « I don’t think it’s the best place to surf on Earth but it’s a very special place to surf » spécifie Antonio. C’est dans cette perspective où il y a beaucoup plus à apprécier que la qualité des vagues qu’est probablement né le slogan de STG, No bad days!  

Il existe peu d’endroit où il est possible de surfer et dans skier dans une même journée. C’est le cas à Collingwood, bordant la baie Georgienne, en Ontario.

« It’s a little bit too simple to say that the greatest places to surf are the ones with the greatest waves. Sometimes, it’s the places that are the most unique, that require the most adventure, that strengthen community and culture. » – Lucas Murnaghan

Si le mot se passe de plus en plus dans la région torontoise, plusieurs restent encore surpris par le fait qu’il puisse y avoir du surf dans les Grands Lacs. Selon Lucas, c’est moins de 5% de la population de Toronto qui est au courant. Il reçoit encore beaucoup de regards interrogateurs lorsqu’il raconte ses weekends dans les vagues d’un des Grands Lacs, suivi de l’habituel «you’re crazy»! Une folie qui marginalise mais qui intrigue et ultimement, plait à plusieurs.

Parce qu’il y a tant à dire et qu’ils inspirent, c’est avec cette folie qu’Antonio et Lucas se joignent à l’équipe OuiSurf! Ils signeront dès janvier des articles sur certains aspects qu’implique le surf dans les Grands Lacs canadiens. Stay tuned!