Passion, détermination et adaptation

Passion. Détermination. Adaptation. Trois mots indissociables. Tout surfeur le sait.  On peut être passionné de surf, mais si l’on veut se réaliser pleinement dans notre sport, on doit être  déterminé à faire tout ce que l’on peut pour être le plus souvent et le plus longtemps possible dans l’eau. Et plus on côtoie l’océan, plus on apprend rapidement (parfois à la dure) que l’on n’a aucun contrôle. En fait, notre seule option est de s’adapter à un milieu qui est aussi extraordinaire que changeant.

À mon avis, les gens qui pratiquent le surf adapté sont ceux qui donnent tout le sens à ses trois mots. Ce sont ceux qui doivent rouler leur fauteuil dans le sable pour se rendre jusqu’à la mer, ceux qui pagaient peu importe la grosseur des vagues avec seulement un bras, ceux qui trouvent leur équilibre peu importe le type de planche avec une prothèse à la jambe et ceux qui prennent de magnifiques vagues et les surfent avec grâce alors qu’ils ont un déficit visuel.

C’est pourquoi, depuis 2015, l’association internationale de surf en collaboration avec Stance donne l’opportunité aux surfeurs de démontrer leurs talents lors d’un évènement annuel : les championnats mondiaux de surf adapté. L’édition de cette année aura lieu à San Diego en Californie du 30 novembre au 3 décembre. Le Canada participera, pour une deuxième année, à cette compétition de grande envergure.

Six surfeurs y seront pour nous représenter. Voici donc une présentation de ces athlètes inspirants. Je commence par les femmes, car cette année est une année charnière pour les athlètes féminines de surf adapté. En effet, pour la toute première fois, il y aura des catégories féminines aux championnats mondiaux, et ce, dans cinq divisions sur six!

Victoria Feige était la seule fille de l’équipe l’an dernier. Elle est physiothérapeute et habite à Vancouver. Tori, de son surnom, a fait une chute de planche à neige qui a résulté en une blessure incomplète de la moelle épinière. Elle est en fauteuil roulant depuis, mais est capable de se déplacer sur de courtes distances avec des bâtons de marche. Elle surfe en appui sur les genoux et les mains. Lors de la compétition de l’année dernière, son avion a été retardé et sa planche a été abîmée lors du vol. Toutefois, ces quelques embûches ne l’ont pas empêché d’arriver à destination avec un sourire accroché aux lèvres et plus déterminée que jamais à compétitionner aux côtés des meilleurs au monde, malgré une nuit blanche passée dans un aéroport et  une planche qui n’était pas la sienne!

Nous avons cette année une deuxième fille qui s’est ajoutée à l’équipe. Il s’agit de Tanelle Bolt. Elle a eu la sixième vertèbre thoracique rupturée il y a trois ans et a depuis démarré un organisme à but non lucratif du nom de RAD (Recreation Adapted Society). Elle habite à Invermere, BC.’endroit le plus près pour surfer se trouve à 14 heures de route! Mais ceci n’est pas un obstacle pour Tanelle. Elle surfe en wave ski, ce qui signifie qu’elle est assise sur une planche qui est un hybride entre le kayak et la planche de surf et elle utilise une pagaie.  Tanelle pratique aussi le ski adapté. Elle joindra bientôt les rangs de l’équipe canadienne dans cette discipline.

Enchaînons maintenant avec les gars! Nathan Smids est un amputé tibial originaire de l’Ontario.  Très sportif et amoureux de la nature, il a été guide de kayak sur l’île de Vancouver, en Nouvelle-Zélande ainsi qu’en Norvège. Il travaille maintenant en Californie. Il a commencé à surfer lorsqu’il a déménagé sur la côte ouest-américaine et n’a jamais cessé depuis. Il  participe à des compétitions de surf (adaptées et non adaptées) depuis 2010. Il surfe debout sur sa planche à l’aide d’une prothèse et a atteint les quarts de finale aux championnats de l’an dernier. Il donne aussi beaucoup de son temps à titre de bénévole pour des activités visant à introduire de jeunes amputés aux sports adaptés.  

Scott Patterson est double amputé fémoral suite à un accident de travail. Il a participé à quatre jeux paralympiques dans trois sports différents : athlétisme, ski alpin et natation. Heureusement pour nous, Scott fait maintenant de la compétition en surf. Il surfe en appui sur les mains et les moignons. En plus des championnats mondiaux de l’an dernier, il a aussi participé à la compétition du Duke Ocean Fest d’Hawaii en août dernier.

Darryl Keith Tait est paraplégique et il prend les vagues couché sur le ventre sur sa planche en appui sur les coudes. Il habite au Yukon et surfe principalement à Hawaii. Il fait aussi de la compétition en motoneige, vélo de montagne et WCMX. Il est ambassadeur pour la fondation Rick Hansen, donne des conférences sur le risque calculé et est juge certifié de planche à neige.

Thomas Ilkkala est amputé d’un bras et surfe avec sa prothèse. Il est de Calgary, a habité quelques années en République dominicaine et vient récemment de déménager à Vancouver. Il aime le surf et aime les voyages et si une destination peut combiner les deux c’est encore mieux! Il écrit pour le blog Depart from the ordinary.

Finalement, il y a un septième membre à l’équipe que je ne pouvais omettre dans ce texte : Gerry Burns. Gerry est en fauteuil depuis un accident de hockey. Il a surfé toute sa vie, mais ne participe pas à des compétitions. Il donne plutôt une grande partie de son temps au développement du surf adapté au Canada. Il est impliqué dans ce projet avec moi depuis le tout début. Sa joie de vivre et son enthousiasme sont contagieux. Pour la compétition de l’an dernier, Gerry a conduit de Vancouver jusqu’à San Diego pour supporter et encourager l’équipe!

Voici donc notre équipe canadienne! Au moment où ce texte sera publié, je serai en Californie avec ce groupe remarquable. Le 3 décembre marquera la journée des finales, mais c’est aussi la journée internationale des personnes handicapées. Cette journée vise à  promouvoir les droits et le bien-être des personnes handicapées » (Nations Unies)  

Je crois que cette journée devrait aussi être une occasion pour s’inspirer. Je suis impliquée dans le monde du surf adapté depuis plus de quatre ans. Ceci m’a permis de rencontrer plusieurs personnes pratiquant le surf adapté, des athlètes comme des gens qui ont le courage de prendre une première vague malgré une limitation fonctionnelle. Et plus je côtoie ces surfeurs extraordinaires, plus je me dis que je devrais m’inspirer d’eux, dans ma manière de faire du surf, mais aussi dans ma vie de tous les jours. Bref, surfer et vivre avec une passion incommensurable, une détermination inébranlable et une capacité d’adaptation à toute épreuve.