Entrevue - Photos - Portrait
À 15 ans, il a fabriqué lui-même son premier caisson étanche pour photographier ses amis à son spot local du sud de la France. Aujourd’hui, il vit à Tahiti et est un photographe de surf reconnu mondialement. Nous avons accroché Ben Thouard alors qu’il s’apprêtait à aller shooter les meilleurs surfeurs de la planète dans sa cour arrière, à Teahupo’o. Il nous a raconté son parcours et son plus récent projet : Surface.
Photos: Ben Thouard Photography
Août est un mois chargé pour Ben Thouard. Photographe officiel de l’équipe Quicksilver, la tenue de la compétition de la World Surf League (WSL) à Tahiti le garde occupé du matin au soir.
« Je fais à la fois des photos des surfeurs dans les vagues et des photos lifestyle de l’événement, explique-t-il. Je dois les envoyer à mon client chaque soir, pour qu’elles soient ensuite partagées sur les sites web et les réseaux sociaux.»
Ses photos exceptionnelles lui ont valu plusieurs prix, dont le People’s Choice Award au Olympus Pro Photographer Showdown qui lui a été remis à Whistler en 2017.
Ben Thouard a grandi à Toulon, dans le sud de la France, tout près de Marseille. Pas l’endroit avec les meilleures vagues, mais assez pour lui donner la piqure du surf alors qu’il avait à peine 8 ans. « Le surf a été ma première grande passion, et l’est restée jusqu’à ce jour », raconte-t-il. Vers l’âge de 15 ans, il trouve un vieil appareil argentique dans le grenier de la maison familiale. Curieux, il s’achète quelques rouleaux de film et se découvre rapidement une deuxième passion: la photo.
« Avoir l’opportunité de photographier les meilleurs surfeurs à la meilleure vague du monde, c’est top. » – Ben Thouard
Déjà à cette époque, l’équipement professionnel est très dispendieux. Comme il a l’habitude de réparer ses planches, il sait manier la résine et la fibre de verre. Il place son appareil dans un sac de plastique, fabrique un moule et s’en sert pour concevoir lui-même un caisson étanche, avec lequel il fera ses premières images de surf dans le line up local.
Il devient rapidement accro et part peaufiner son art dans une école de photo à Paris. Ayant toujours habité au bord de l’océan et passé ses étés à faire de la voile avec son père, il vit son arrivée en ville comme un choc brutal. Il n’a qu’une idée en tête : faire des images de surf et de planche à voile. Du coup, il abandonne ses études à mi-chemin et part tenter sa chance à Hawaï.
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Lâcher l’école pour devenir photographe de surf
Janvier 2006. Ben Thouard empoigne son caisson étanche DIY, fait sa valise et sort sa carte étudiante pour profiter du rabais offert à l’époque par les compagnies aériennes. Destination : Maui. « Je louais une petite chambre chez des locaux juste à côté du spot, mangeais du riz pour économiser et passais mes journées dans l’eau à faire des photos de surf et de planche à voile », se souvient-il. Il n’a alors que 19 ans.
Un pari payant, puisque c’est ainsi qu’il fait se fait des contacts et décroche ses premiers contrats. Petit à petit, il commence à accompagner les meilleurs planchistes et surfeurs à travers le monde pour faire des photos destinées aux revues spécialisés. Son rêve de devenir photographe de surf est en voie de se concrétiser.
Coup de foudre pour Tahiti
A son arrivée à Tahiti, c’est le coup de foudre. Ben Thouard est tout de suite séduit par l’aura mystique de l’endroit, l’accueil chaleureux des Polynésiens, les lumières exceptionnelles qu’on y trouve et, évidemment, la célèbre vague de Teahupo’o. Pour un photographe de surf, c’est le saint Graal. Après une première visite l’année précédente, il décide de s’y installer en 2008.
Malheureusement, la vie n’est pas un éternel coucher de soleil dans le monde de la photo de surf. «L’effondrement de l’industrie de la planche à voile, puis de la crise économique de 2008, ont fait que les budgets photo des compagnies ont beaucoup diminué », explique Ben Thouard.
Dans un contexte où la presse va mal, les magazines ferment les uns après les autres et le web ne paie pas encore suffisamment, cela ne laisse d’autre choix aux photographes indépendants comme lui de trouver de nouvelles façons de se démarquer.
« J’en avais un peu marre de travailler pour des clients qui n’avaient pas de budget, confie Ben Thouard. J’avais besoin de faire un projet qui allait me permettre d’aborder la photographie sous un nouvel angle ».
Surface : voir la vie à travers les vagues
Un peu par hasard, Ben Thouard constate qu’il est parfois possible d’apercevoir les paysages majestueux de Tahiti à travers ses vagues limpides. Une perspective qu’aucun autre photographe n’avait jusque-là explorée.
Mais pour arriver à réaliser l’image qu’il a en tête, les astres doivent être parfaitement alignés. L’angle de la lumière doit être le bon, la marée ne doit être ni trop haute, ni trop basse, l’eau doit être absolument crystalline et aucun vent ne doit souffler. Bref, un travail qui demande une extrême minutie.
Au bout de 4 ans, il donne naissance à « Surface », un livre grand format de près de 200 pages qui pose un regard unique sur l’environnement majestueux de Tahiti. Le tout accompagné d’un court film racontant la genèse du projet, produit en collaboration avec ROAM. Des photos esthétiques, intemporelles, jamais vues.
Du livre est née une exposition photo, qui a déjà été présentée à Paris et Biarritz, et qui se dirigera à L.A. en septembre. Une publication dans une revue américaine majeure est aussi prévue prochainement.
Tous les jours, Ben Thouard se trouve sur ou sous la surface de l’eau. C’est sa vie, sa passion, qu’il tente de transmettre à ses deux filles. « La lumière et la beauté de Tahiti me procurent encore de l’émerveillement au quotidien ». Cela se reflète dans ses images, qu’il partage sur son compte Instagram.
Le devoir l’appelle. Les surfeurs de la WSL sont en ville pour les séances de qualification du Tahiti Pro. Et le voilà reparti dans les vagues.
Note : les photos de Surface sont présentement sous embargo, ce qui nous empêche de les publier ici. Pour plus d’info ou pour acheter son livre, visiter le site web de Ben Thouard.