Côte-Nord
C’est pendant une tempête de neige que le travail m’a parachuté sur la Côte-Nord. J’étais alors loin de m’imaginer que deux ans plus tard, j’enfilerais un wetsuit de plongée 14 mm et des gants troués pour y faire du surf… en plein hiver. Les mains gelées, aucune vague surfée, mais un gars devenu accro au surf et encore ébahi par tout le potentiel dont recèle cette région du Québec.
Crédit photo: Mathieu Crépeau
Tout a commencé en kitesurf. Après un an à patauger dans l’eau saline du St-Laurent dans le coin de Sept-Îles, j’ai entendu parler de surf dans le coin par des amis. J’y croyais tout simplement pas jusqu’à ce que je vois le topo «Surf Boréal» de Myriam Caron à Télé-Québec. L’étincelle dans mes yeux est apparue. C’est alors que j’ai pris les moyens du bord pour aller à l’eau, wetsuit pas adapté, gants troués, une planche empruntée, aucune expérience de surf et de l’eau qui est sous la barre des 0°C (eh oui, c’est possible! L’eau salée du fleuve gèle aux environs de -4°C). Je peux te dire que le gars y’a pas toughé bien bien longtemps à l’eau. Mais les années ont passées et l’expérience a fini par rentrer.
Un swell imprévisible
Le swell dans le St-Laurent est excessivement difficile à prévoir. Il n’y a pas de Magicseaweed ni de Surfline qui indique quand aller surfer avec des beaux graphiques et des petites étoiles. Tu dois toi-même tout évaluer: les systèmes dépressionnaires, les vents et la marée pour aller surfer au bon moment car la fenêtre de temps est souvent courte. On arrive parfois 30 minutes trop tard et plus rien, la mer est redevenue flat.
Puis dans notre coin de pays, c’est pas comme la Côte Est. Il y a seulement 106 km à vol d’oiseau entre Sept-Îles, sur la Côte Nord, et Mont Saint-Pierre, au sud, en Gaspésie. C’est pas énorme comme surface d’eau alors il doit absolument y avoir du vent pour créer nos vagues. C’est pourquoi nos conditions sont rarement parfaites. Ça arrive qu’il y ait un beau swell avec un vent offshore mais c’est très éphémère. Tout dépendant des conditions et des orientations des vents, on se déplace vers l’est ou vers l’ouest, car on veut profiter le plus possible de fetch.
C’est en hiver que la Côte-Nord reçoit ses plus grosses vagues puisque les tempêtes sont nombreuses et puissantes. Quand donc les conditions sont au rendez-vous, ça donne des sessions épiques… à condition de pouvoir se rendre car les routes deviennent de vraies patinoires! Il faut savoir se timer avec le soleil, puisque les journées sont courtes, et ce, à la bonne période de l’hiver: dès mi-janvier, la banquise s’installe, et on doit remiser sa planche jusqu’à la mi-mars.
Terres et mer inexplorées
Reste que la Côte-Nord, c’est très vaste. De Tadoussac à Blanc-Sablon aux abords du Labrador, on retrouve 1 300 km de côtes majoritairement non découvertes, exceptées par les 13 espèces de baleines qui les longent. Bien que son relief diffère d’un spot à l’autre et que l’accès soit souvent limité, ces milliers de km de côte représentent un potentiel immense pour le surf. Pas de line-up surpeuplé comme on en retrouve dans le Maine ou dans le New Hampshire puisqu’une cinquantaine de surfeurs réguliers seulement sont répartis sur tout ce territoire. Ils sont principalement concentrés dans les villes de Baie-Comeau, Port-Cartier, Sept-Îles et un courageux tout seul à Kegaska au bout complètement de la route 138. Puis, il y a l’île d’Anticosti où il doit bien y avoir un chevreuil ou deux qui surfe? La légende dit qu’il y aurait un gars qui surfe au village et tout le monde le prendrait pour un fou!
Des surfeurs passionnés au coeur de la communauté
Les débuts du surf sur la Côte-Nord sont documentés depuis près de 20 ans par le shaper Dan Lavoie. Des débuts pas faciles: pas d’équipement, une vieille planche à voile comme surf et des gants à vaisselle tapés par-dessus 2 wetsuits 3 mm un par-dessus l’autre. Dan a par la suite rencontré le surfeur Jeff Brochu sur une plage qu’ils surfaient tous les deux depuis quelques temps sans jamais s’être rencontrés. Depuis, plusieurs autres «crinqués» se sont joint à la gang.
Diverses entreprises œuvrant dans le domaine se partagent d’ailleurs le territoire de la Côte-Nord, soit des boutiques et des écoles de surf. Apparemment, le mot se serait répandu jusqu’en Europe! La région voit son sol foulé par des Français et des Allemands en plus de la clientèle touristique québécoise.
Si certains se déplacent de l’autre côté de l’Atlantique pour découvrir cette région boréale, qu’attendent les Québécois, qui eux, n’ont qu’à prendre le volant quelques heures pour s’y rendre? Un road trip sur la Côte-Nord, c’est tout ce que ça prend pour constater le potentiel dont il recèle.