ISA - Surf adapté
Face à l’appel d’Hassan Laramée dans son article «Quand le surf devient une thérapie», la kinésiologue et membre du comité de surf adapté canadien retrace comment le Canada s’est taillé une place aux derniers championnats mondiaux de surf adapté. Sa voix apporte ainsi une lueur d’espoir aux adeptes du surf aux prises avec des conditions physiques limitées.
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La Canada a pris il y a un mois sa première vague officielle en ce qui concerne le surf adapté. Bien que j’ai depuis réglé les aiguilles de ma montre, mon esprit vogue encore à l’heure du Pacifique. Je ne réalise toujours pas le privilège que j’ai eu d’accompagner la toute première équipe canadienne de surf adapté aux seconds championnats mondiaux en Californie, présenté par l’International Surfing Association (ISA) et Stance. La photo de cette équipe talentueuse et inspirante sur mon fond d’écran me rappelle que ce grand évènement a bel et bien eu lieu, ne représentant que le début du développement du surf adapté au Québec et au Canada.
4 guerriers sur l’équipe du Canada
L’ISA permet à chaque pays un maximum de huit athlètes dans différentes catégories : quatre athlètes surfant debout ou à genoux, un surfeur prenant les vagues en position assise et utilisant une pagaie (waveski), un athlète surfant couché sur le ventre, un surfeur ayant besoin d’assistance dans l’eau et finalement un surfeur avec une déficience visuelle.
Ce sont quatre guerriers à la volonté de fer ayant surmonté un accident de travail ou de snowboard qui ont formé la première délégation de surf adapté canadienne. L’Ontarien Nathan Smids, qui a eu une amputation sous le genou, a atteint les quarts de finale en surfant debout avec une prothèse. Daniel Shoemaker surfait aussi debout, un peu à la Bethany Hamilton, ayant un bras amputé. Il fait également parti de l’équipe canadienne paralympique de planche à neige. Victoria Feige de Vancouver surfait en appui sur ses genoux et sur ses mains compte tenu d’une lésion incomplète de la moelle épinière. Puis, après avoir participé à quatre jeux paralympiques dans trois catégories, Scott Patterson, amputé au-dessus des deux genoux, surfait en appui sur ses moignons et sur ses mains.
Une aventure née à San Diego
C’est il y a quatre ans que tout a commencé. C’est à ce moment que j’ai découvert les cliniques de surf adapté organisées par Ampsurf, un organisme américain à but non lucratif. Étant kinésiologue, j’ai pu aider plusieurs personnes vivant avec une limitation physique à prendre leur première vague à vie. C’est par le biais de cette expérience que j’ai entendu parler des premiers championnats mondiaux de surf adapté qui se tenaient à San Diego, en 2015. Je suis donc allé donner un coup de main en tant que bénévole, où j’ai vite remarqué qu’aucun athlète n’était présent pour représenter le Canada.
Dès que je suis revenue au Québec, j’ai contacté l’Association de surf canadienne (CSA Surf Canada). Je me rappellerai toujours la réponse du président à mon courriel lui expliquant mon désir de développer le surf adapté « That’s really really awesome ». Il me mis en contact avec Gerry Burns, un amoureux de la vie qui est en fauteuil roulant suite à un accident de hockey. Résidant de Vancouver, il pratique le surf et désirait lui aussi le développer. Nous étions loin de nous douter alors que nous deviendrions les trois membres du comité du surf adapté canadien. Trois personnes, trois historiques bien différents, avec un amour commun pour le plus beau sport du monde et ayant comme but de le rendre le plus accessible possible.
Plus spécifiquement, nous comptons développer le surf adapté sur vague intérieure et le surf à pagaie (SUP) adapté. De plus, nous souhaitons voir davantage d’athlètes aux prochains championnats mondiaux et rêvons d’une équipe aux Jeux Paralympiques (2024?!). Nous voulons organiser des compétitions de surf adapté au Canada (côte Est et côte Ouest) avec des cliniques pour permettre aux gens de s’initier. D’ailleurs, bien que plusieurs de nos collaborateurs se trouvent sur la côte Ouest, j’ai pu échanger avec certains adeptes de sports tels que Geneviève Hallé, Luis Amaya et Jessica Fortin, qui ont été d’une grande aide. Puis, nous avons dans l’idée de développer autant le côté récréatif que compétitif du sport. En fait, nous sommes comme tous ceux qui débutent un nouveau projet. Ce ne sont pas les idées qui manquent, ce sont le temps et l’argent!
Prendre la vague malgré les remous
Depuis plus d’un an, nous travaillons bénévolement. Outre le manque de temps et les difficultés de financement, nous nous sommes butés à d’autres obstacles. Le fait que tout soit nouveau nous force sans cesse à nous remettre en question et amène plusieurs situations auxquelles nous n’avions pas pensé; entre autres les classifications. Pour certains surfeurs, la catégorie était claire dès le départ, mais pour d’autres, nous avons dû faire des recherches et poser beaucoup de questions.
Mais toutes ces difficultés n’avaient plus aucune importance une fois sur le site de la compétition. L’expérience là-bas fut extraordinaire. Ce fut aussi intense : la rencontre avec l’équipe pour la première fois, l’enregistrement de l’équipe, le symposium, la clinique de surf, la cérémonie d’ouverture, les trois jours de compétition et la cérémonie de fermeture. J’ai adoré voir des athlètes en compétition dans les vagues sortir de l’eau et se donner des conseils sur les adaptations des planches et se parler comme de vieux amis. J’ai adoré applaudir les belles vagues qui ont été prises même si celles-ci n’étaient pas prises par « mes » surfeurs. Et que dire des invitations que nous avons reçues pour aller surfer aux quatre coins du monde!
L’équipe du Canada s’est classée 11e sur les 22 pays participants. Comme c’était les championnats mondiaux, on peut même dire que le Canada est arrivé 11e au monde! Mais peu importe le rang, l’important c’est que nous y étions, que nous nous soyons amusés tout en démontrant qu’il est possible pour une personne qui a vécu un évènement qui a complètement bouleversé sa vie de continuer à pratiquer des sports. Possible malgré un climat un peu frisquet et des vagues à six heures de route d’être un surfeur. Possible d’avoir des projets qui sortent de l’ordinaire et de les mener à bien. Surtout, possible de réaliser ses rêves.