USA
Arrivé à Galveston, une ville de 57 000 habitants sur une île texane de 540 km2, on avait entendu dire qu’ici, les vagues déroulent à l’infini quand les “astres” sont bien alignés. Bien que l’île ait goûté aux pires ouragans de l’histoire de l’ensemble des États-Unis, ce n’est pourtant pas cette force naturelle qui propulse la vague miraculeuse, mais bien celle des tankers (navire-citerne servant à transporter le pétrole, communément appelé pétroliers en français). Il fallait simplement trouver l’un des rares capitaines capables de nous y emmener, car le tanker surfing, on ne connaît rien à ça!
TANKER SURFING QUOI?!?!
Le tanker surfing est possible lorsque le déplacement de l’eau causé par de larges cargos et pétroliers traverse un canal de navire qui, à son tour, provoque l’apparition de vagues sur les bancs de sable, créant ainsi un break de surf bien réel. Lorsque les conditions sont parfaites, les vagues générées par les navires déroulent sur plusieurs kilomètres. Ce type de surf se pratique depuis 1960 au Texas, mais ce n’est qu’en 2001 que le phénomène fût connu au grand public. À l’époque, seulement quelques téméraires surfaient les vagues cargos.
L’un des pionniers est le capitaine James Fulbright qui est paru dans le documentaire : Step Into Liquid et dans sa propre production : Miles To Surf. Fullbright étudie le tanker surfing depuis plus de 13 ans et a proposé une formule plus précise pour la pratique du sport. Pour y arriver, il faut certes, comprendre comment le fond marin et la manière dont les vagues réagissent, mais d’autant plus, il faut bien connaître la répartition des charges des navires!
Yep, this is next level… Les exigences les plus importantes pour produire une vague à partir d’un navire sont la taille, son poids (le tonnage des navires doit être égal ou supérieur à 100 000 tonnes), la vitesse (au moins 10 nœuds), la conception de la coque, leurs emplacements et le tirage du navire, voir même le type de matière transporté. Toutefois, c’est la profondeur de l’eau, ainsi que les marées qui dictent si la vague se brisera ou pas. Le problème avec le tanker surfing, ce n’est pas de savoir si un bateau va produire une vague adaptée au surf, mais davantage si tous les facteurs seront au rendez-vous.
C’est d’ailleurs James Fullbright – beaucoup trop occupé bien entendu – qui nous a référé notre honorable capitaine : Joe Mims. En écoutant le dernier épisode, vous comprendrez qu’il mérite largement la mention de capitaine honorable!
L’EXPÉRIENCE
Habituellement, il faut planifier à l’avance un charter – bateau navigué par un capitaine expérimenté qui fera le relais entre les vagues durant la journée – pour un groupe d’au moins 4 surfeurs intermédiaires ou avancés avec Tanker Surf Charters, l’entreprise de James Fullbright. Il est recommandé de choisir un longboard, en raison des caractéristiques des breaks. Cela permet non seulement d’avoir de meilleures chances de prendre la vague-cargo, mais aussi d’y rester lorsqu’elle arrête de se casser en eau plus profonde, parfois pendant plus d’un kilomètre. Les distances surfables peuvent être comprises entre 1 et 8 km. Tout dépend de la multitude de facteurs mentionnés plus haut. Clairement, ce n’est pas une manière habituelle de surfer. La vague est tellement longue que les crampes dans les jambes sont imminentes (voir Oli faire des push-up sur son longboard dans l’épisode 3)!
Il est possible de surfer en shortboard dans des zones spécifiques. Le véritable défi consiste à relier les points entre les changements de profondeur de l’eau, la durée totale de la ride et la capacité de capturer les vagues créées par des navires plus petits. Il y a aussi d’autres îles dans le complexe de la baie, où la vague se brise sur le rivage sablonneux et/ou rocheux, et certaines de ces vagues, quoique plus courtes, peuvent être amusantes pour un shortboard de type fish.
Le prix est assez élevé pour une expérience de ce genre, tout dépend du nombre de personnes, du temps et type de bateau, on parle de 175 à 700 dollars US. Le tarif est toutefois justifié. “Pour une journée achalandée, nous pouvons parcourir plus de 100 milles et brûler 40 à 50 gallons de carburant, ou plus, si on suit le pétrolier du début du canal jusqu’à la fin (48 kms). Quand il y a un temps d’arrêt, nous passons ce temps à manger, à se détendre, à faire du wake, et même de la pêche”, explique James Fulbright.
La meilleure saison pour surfer les vagues-cargos est de juin à septembre, en raison des températures chaudes et des vents légers. La saison d’hiver (du 1er novembre au 28 février) est trop venteuse et généralement très froide. La saison d’automne (du 1er septembre au 31 octobre) présente de bonnes conditions, à moins qu’un ouragan ne la menace… Les mois de printemps (du 1er mars au 31 mai) sont assez inconstants.
ET LE TRAFIC MARITIME?
Un autre facteur important et incontrôlable à prendre en considération est le trafic des bateaux. “Même si nous opérons dans le 3e plus grand port du pays, et que de nombreux navires vont et viennent tout au long de la journée comme de nuit, nous n’avons aucun contrôle et peu d’informations de première main concernant le trafic maritime”, renchérit James. À ce sujet, paraîtrait-il que même les capitaines de ces immenses navires eux-mêmes travaillent avec un avis de 2 heures pour mener un navire à l’intérieur ou à l’extérieur du port. Une bonne lecture des navires est primordiale pour le tanker surfing.
“Nous avons étudié cet aspect en détail au cours des 13 dernières années et avons un taux de réussite très élevé. On s’est trompé seulement à quelques occasions, mais cela est généralement dû aux intempéries et aux marées défavorables plus qu’au manque de trafic maritime”, nous a confié James. On ne sait toujours pas si des accidents se sont produits. Semblerait-il que non, puisqu’ils prennent des mesures en conséquence. Un cargo de 100 000 tonnes, ça ne pardonne pas. Et que dire de ce qui se cache dans l’eau. Rappelons que le Texas est le deuxième plus grand pollueur d’eau du pays avec ses 34 millions de livres de produits chimiques toxiques libérés dans les cours d’eau. À lire dans l’article précédant : Surfside Beach : du surf texan pour oublier tout le reste.
Enfin, outre quelques crampes dans les mollets, l’expérience en vaut le détour, tellement elle est inusitée. Le panorama industriel est certes intimidant, mais la chaleur humaine des capitaines vient effacer tout le reste. On réalise que des gens comme James et Joe, ont dédié une partie de leur vie à comprendre le phénomène et proposer, à leur manière, une façon de surfer malgré la domination de l’activité commerciale au Texas. Comme quoi, une fois de plus, la culture du surf l’emporte. À quand le surf tanker au Québec? On a les ports, les cargos, l’embouchure idéale non?