Technologie
Alors qu’on octroie au surf de multiples bienfaits, voilà qu’il agit aussi à titre de levier technologique et communautaire. L’application Swell Advantage, fondée par le Néo-Écossais Iaian Archibald, en est l’exemple criant. À mi-chemin entre un “airbnb” pour propriétaires de bateaux et un système automatisé de contrôle pour stationnement public mais adapté aux quais, Swell Advantage permet de s’amarrer de plus près à la devise de la Nouvelle-Écosse: Le terrain de jeu océanique du Canada.
Crédit photo: Catherine Bernier
Le surf comme levier technologique et communautaire
La start-up dérive directement de la passion de son fondateur pour le surf, l’environnement marin et les technologies. «J’ai toujours aimé l’impact des technologies sur les sociétés, la manière dont elles facilitent les échanges.», confie Iaian Archibald. L’idée originale était de récolter l’information par le biais de capteurs installés sur les wetsuits, les montres résistantes à l’eau et les bateaux pour la centraliser à l’aide d’une application mobile. «Nous avons développé la technologie pour que chaque surfeur assis dans le line-up devienne une bouée interactive et donne une lecture précise des vagues en temps réel.» Par lecture précise, Iaian entend le nombre de vagues par set, leur fréquence et autres détails permettant une meilleure lecture des conditions.
Bien que l’idée attirait l’attention, ils n’ont pas réussi à en faire un produit assez solide pour percer le marché. «En 2013, développer une application était le big deal, mais le temps qu’on la développe, le marché était déjà saturé. Aujourd’hui, il est difficile de faire partie de la vie des gens, à moins d’être Facebook, Google ou Instagram. Combien d’applications utilises-tu présentement dans ton téléphone?» Force est de constater qu’il y a effectivement peu de place pour des distractions supplémentaires.
De ce premier essai, Iaian et son coéquipier spécialisé en programmation web, se sont réajustés face à leur marché potentiel. «Nous avons dépassé l’idée de desservir les surfeurs individuels pour desservir plutôt, les plaisanciers, marinas et clubs de bateau à mieux organiser l’univers maritime récréatif.» Le processus est aujourd’hui entièrement centralisé en ligne, de la réservation au paiement d’un espace d’amarrage, jusqu’à l’arrivée et le départ dans la marina en toute sécurité. Leurs principaux clients se trouvent en Nouvelle-Écosse, mais un marché se dessine à San Diego, là où la vie maritime est à son plus fort en Amérique du Nord et où la saison estivale est beaucoup plus longue. Le Néo-Écossais en profite évidemment pour surfer les peaks californiens.
Bien que l’entreprise ne baigne plus directement dans l’univers du surf, Iaian demeure dans son élément. «J’ai grandi autour des bateaux. Quand mon grand-père m’a laissé naviguer son bateau pour la première fois à 11 ans, j’ai goûté à mon premier sentiment de liberté sur l’eau. Ensuite, j’ai passé une partie de ma vingtaine à observer les baleines en zodiac à Tofino.»
«Aujourd’hui, le surf est pour moi, le meilleur moyen de goûter à ce sentiment de liberté, mais l’important est ce rapport quotidien à l’océan.»
Même si l’entrepreneur a la liberté de moduler son horaire à sa guise, il demeure qu’une start-up en plein essor exige de nombreuses heures de travail. «Quand le surf est vraiment bon, mais que je suis occupé, I am fucked!» D’un côté, il voudrait être capable de répondre au téléphone dans l’eau, d’un autre côté, il tient à protéger cet espace où le temps s’arrête. «C’est une danse constante entre les frontières du monde moderne et la pureté de l’état sauvage.»
Au delà de la techno, l’accès à l’eau
Avant de se consacrer à 100% à Swell Advantage, Iaian a longtemps fait partie de l’association de surf en Nouvelle-Écosse. Si aujourd’hui, la communauté a accès à un des meilleurs spots de surf de la province, c’est en partie grâce à son initiative: un boardwalk, qui avec le soutien de la communauté et des instances gouvernementales, s’est transformé en parc. «En 2000, on a commencé à sentir qu’on allait perdre notre accès aux spots, car les terrains où nous avions l’habitude de traverser venaient d’être vendus et les nouveaux propriétaires n’étaient pas chauds à l’idée de voir passer des surfeurs tous les jours.»
C’est à ce moment que Iaian a pris les devants en approchant la ville, le gouvernement provincial et les lobbyistes. Quatre ans plus tard, la ville a acheté le marais pour en faire un parc et le financement privé a permis de construire le boardwalk. Un projet qui s’est échelonné sur plus de sept ans. «On ne demandait pas plus qu’un simple chemin bouetteux et finalement, avec les idées et le support de toute la communauté, nous avons créé ce parc qui plaît non seulement aux surfeurs, mais aux enfants qui viennent jouer au hockey l’hiver sur le marais gelé et à tous les marcheurs, d’autant plus ceux à mobilité réduite.»
Les efforts d’Iaian démontrent qu’il est possible de se connecter à l’océan de plus d’une manière, tout en préservant le lien unique avec cet univers salé qui nous permet d’échapper au train train quotidien plutôt poivré. Un espace qui n’est pas toujours facile d’accès, mais qui peut le devenir d’une part, par la mobilisation d’une communauté et d’autre part, par la technologie. En autant qu’il soit préservé et honoré par ceux qui le côtoient.