Côte Ouest - Culture
Louer un Airbnb à Newport Beach. Se lever à 5 AM pour flairer les vagues en pyjama. Revenir convaincu et enfiler son wetsuit de la chambre. Prendre une gorgée de jus pressé à froid. Traverser le boulevard avec son board sous le bras: c’est ce qu’on appelle vivre sainement la Californie!
Comme je voyageais pour le travail, Newport Beach n’était pas mon choix ultime pour goûter aux vagues et à la nature californienne. La ville est plutôt comprimée en termes de population, dans les rues, comme dans l’eau et s’avère onéreuse pour y demeurer un court séjour. Toutefois, rester au coeur du quartier principal m’a permis d’observer de près et de loin les nombreux visages de la culture du surf californienne.
Crédit photo: Catherine Bernier
L’automne: là où il faut être
Pour les Québécois, la Californie est une destination idéale en automne grâce au swell du sud encore constant, combiné au réveil du Pacifique nord à l’approche de l’hiver. Les beach breaks adorent ce combo, formant des vagues plutôt peaky et parfois tubulaires. Cette période est magique car la chaleur y est encore et tous les jeunes surfeurs sont de retour sur les bancs d’école. Assurément, il y aura toujours de meilleurs surfeurs à l’eau ; les natifs se distinguent par leur agilité déconcertante.
La Californie: berceau de la culture populaire du surf
Bien qu’Hawaii soit reconnu pour son héritage immédiat de la pratique du surf, expression ultime de liberté et de plaisance pour les locaux, c’est en Californie que s’est répandu le phénomène au milieu du 20e siècle. La communauté du surf s’entend pour dire que c’est le surfeur, écrivain et shaper Tom Blake qui serait à l’origine de la culture populaire du surf en Californie. À priori, rien n’est surprenant : les Américains ont toujours eu l’audace de pousser un sujet, une pratique, une habitude, à un phénomène prisé et peaufiné (Hawaii ne faisait pas encore partie des États-Unis à cette époque). La relation est plutôt intéressante: la pureté a été assimilée pour la rendre accessible.
Aujourd’hui, la culture du surf est omniprésente en Californie, s’imbibant dans la musique, dans le marketing, la mode, les arts, la prestance et l’attitude des habitants. Les Californiens ont le réflexe d’introduire le surf partout, sous différents angles.
Rapidement, on peut penser aux photos à couper le souffle du Californien Chris Burkard qui capture la grâce des mouvements du surf à une nature brute, dans des endroits inatteignables. Tommy Guerrero, skateur californien et musicien, nous offre des pièces ambiantes instrumentales-progressives parues dans plusieurs films de surf : The Present, Sprout, Castle in The Sky et bien d’autres. Un des meilleurs longboardeurs Alex Knost a décliné son style de glisse à la fois contemporain et grunge à ses toiles et ses groupes de musique: Japanese Motors, Tomorrows Tulips et Glitterbust. Autrement, dans un style plus doux et fluide, il faut surveiller les prestations de Jack Johnson et Tom Curren, anciens pros surfeurs qui jam encore à l’improviste dans certains bars californiens. Enfin, la liste d’influences musicales et artistiques est longue. On retient surtout que ces artistes nous offrent un angle des plus attirants de la culture du surf californienne.
Toutefois, à quoi ressemble réellement la vie des citoyens californiens? Comme j’ai quelques amis québécois qui y sont restés assez longtemps pour saisir le lifestyle et d’autres qui y sont natifs, je leur ai soulevé la question.
Une perspective confrontante
Ici, en plus d’aller courir, les gens prennent des vagues, même si les conditions ne sont pas optimales. Le paddle out est leur exercice. Vue l’accessibilité et la fréquence de leurs «pratiques», ils n’ont certainement pas la même rage que nous, les Québécois, qui faisons 6h de route dans le Maine, espérant prendre le plus de vagues possibles dans des conditions souhaitables. Ici, les vieux beachbums se rencontrent dans le parking pour faire leur « social » et prennent le café avant de surfer. Les familles sortent à l’eau tous ensemble, sous prétexte d’une activité familiale.
Pour les plus jeunes, c’est tout autre. La performance est omniprésente. Ils surfent même en cours, en sport-études. Qui fera le plus gros « air » ? Qui aura les cheveux les plus blonds? Qui aura le plus petit shortboard avec le plus de stickers? On assiste à une sorte de guerre de clochers. Parallèlement, j’imagine que c’est un peu comme sur la glace, ici au Québec.
Au lycée, les jeunes s’entraînent pour les nombreuses compétitions de surf. Plusieurs parents miroitent leurs rêves en leurs enfants augmentant le niveau de pression pour performer. Phénomène qui assurément, ne touche pas seulement la Californie!
Pour certains jeunes adultes, la colocation est nécessaire pour arriver à vivre relativement près des vagues, considérant le prix du loyer. La colocation perdure même à un âge assez avancé. Dans les quartiers près des côtes, il y a des bars à tous les coins de rue et la drogue est relativement accessible. Cela rend la consommation quotidienne plutôt facile, voir trop. La Californie est même l’état où l’on retrouve le plus grand nombre de consommateurs de pot dans tout le pays, selon la dernière étude conduite en 2014 par le Substance Abuse and Mental Health Services Administration. Plusieurs restent accrochés longtemps à la vie de beachbums. Parallèlement, d’autres s’imbibent plutôt de prestige. Le rapport à l’argent pour définir son bonheur est imminent en Californie. L’industrie actuelle du surf en témoigne. Du moins, dans l’ensemble, la pratique quotidienne du surf, notamment la connection avec l’océan, incite bon nombre à repenser leur mode de vie plus sainement!
Enfin, autant le surf est-il omniprésent en Californie, autant est-il sujet à la banalité ou à la perversité. Lorsque tu grandis avec une vague dans ta cours, il n’est pas surprenant d’oublier cet accès privilégié avec l’eau. Heureusement, les contemplatifs, pionniers, passionnés et avant-gardistes ont trouvé des moyens de rappeler la beauté de l’océan et de la culture qui l’entoure.