Journée internationale des femmes : vers un meilleur équilibre hommes-femmes en surf?

Tout le monde connaît Kelly Slater, mais beaucoup moins connaissent Stephanie Gilmore. Pourtant, l’Australienne a été sacrée championne du monde de surf à sept reprises alors qu’elle a seulement 31 ans. En cette Journée internationale des femmes dont le thème est #balanceforbetter, on se questionne sur l’égalité des sexes en surf.

Photo : Stéphanie Gilmore | stephgilmore.com

La World Surf League (WSL) annonçait en septembre 2018 qu’elle s’engageait à faire preuve d’équité entre les surfeuses et les surfeurs en instaurant l’égalité des prix sur le circuit mondial à partir de 2019 [1]. Plus que l’équité salariale, cette mesure avait pour objectif d’encourager plus de femmes à surfer. À l’approche de la Journée internationale des femmes dont le thème est #balanceforbetter, soit  « Penser équitablement, bâtir intelligemment, innover pour le changement », nombreux sont ceux qui s’interrogent sur les impacts réels de l’équité salariale dans le monde des sports extrêmes. Une question brûle toutes les lèvres : arriverons-nous bientôt à un meilleur équilibre hommes-femmes en surf?

WSL Prize Money Equality
Filipe Toledo, Carissa Moore, Julian Wilson, Stephanie Gilmore, Kelly Slater, Tatiana Weston-We, Adrian Buchan et Lakey Peterson lors de l’annonce de la WSL | Photo: WSL

Parité salariale sur le circuit de la WSL

La mesure avait été chaleureusement accueillie autant par le public, la communauté que par les pros. Rappelons que l’industrie venait de traverser une importante phase de contestations pour la parité salariale des athlètes. Tous s’entendaient pour dire que ça ne faisait aucun sens qu’une prime inférieure soit versée à la gagnante d’une compétition sous le seul prétexte qu’il s’agissait d’une femme. Elles surfaient le même spot, mais elles gagnaient moins que les hommes. En 2018, la dotation globale de la WSL était de 800 734 dollars canadiens pour les hommes. Cette même année, les femmes recevaient quant à elles 400 367 de dollars canadiens, soit près de la moitié du cachet des hommes. [1]

Le célèbre champion américain Kelly Slater avait salué la nouvelle, en prenant soin de souligner que les surfeuses du circuit le méritaient amplement. De son côté, Stephanie Gilmore avait du mal à contenir sa joie. Celle qui participera aux Olympiques de 2020 à Tokyo avait d’ailleurs déclaré :

« L’argent, c’est fantastique, mais le message qu’il véhicule est encore plus fort (…) J’espère que cela va servir de modèle à d’autres sports, fédérations internationales et à toute la société » – Stephanie Gilmore

Au-delà de la parité : l’image et le marketing

Dans une lettre ouverte publiée sur The Players’ Tribune, Stephanie Gilmore racontait qu’enfant elle tapissait les murs de sa chambre d’affiches de Kelly Slater à défaut d’en trouver de ses championnes de surf préférées. [2]

Aujourd’hui, ce n’est pas le choix qui manque. Alors que le rôle des femmes se limitait autrefois à remettre les trophées, elles se retrouvent désormais en tête d’affiche d’importantes campagnes de marketing. Par contre, certaines marques ont tendance à accorder plus d’importance à l’apparence des pro-surfeuses qu’à leur mérite sportif. On les voit donc beaucoup plus, mais pas nécessairement en train de surfer des barrels.

«Quand j’étais jeune (et que je n’avais pas Instagram), j’étais un garçon manqué. Je vivais dans mon wet suit toute la journée et je voulais impressionner les garçons uniquement parce que je voulais surfer mieux qu’eux. Et maintenant, c’est comme «peut-être que je devrais être plus sexy pour réussir»? – Stephanie Gilmore, lors d’une entrevue avec The Telegraph [3]

Surfeuse ≠ mannequin

Des athlètes ont pris position publiquement pour dénoncer la situation et ses impacts au niveau de la recherche de commanditaires. L’importance qu’a pris l’apparence physique dans l’industrie en a ébranlé plus d’unes, non seulement financièrement mais aussi psychologiquement. Notons entre autres Silvana Lima, pro surfeuse du Brésil ayant remporté à deux reprises la seconde place aux Championnats du monde. Celle-ci a affirmé lors d’une entrevue donnée à la BBC : « Les marques de surf veulent à la fois des mannequins et des surfeuses. Si vous ne ressemblez pas à un mannequin, vous vous retrouvez sans sponsor, et c’est ce qui m’est arrivé. Vous êtes exclue, à jeter. Les hommes n’ont pas ces problèmes. » [4]

Silvana Lima égalité hommes femmes en surf
Silvana Lima | Photo: Water Dancer Photos (CC BY-SA 4.0)

Nous l’avons déjà souligné : L’hypersexualisation des surfeuses dans les campagnes publicitaires joue sur la perception que développe le public envers les athlètes et le sport. L’image omniprésente des corps parfaits en bikini pour représenter le surf sème le doute. Est-ce que c’est le look que toutes les surfeuses devraient avoir ? Évidemment, la réponse est non. Mais ce stéréotype vient quand même contrecarrer les efforts déployés pour bâtir une communauté plus diversifiée et égalitaire.

Et les autres sports extrêmes dans tout ça ?

Autre réalité du côté de l’industrie du snowboard, qui semble avoir pris de l’avance dans l’établissement d’un meilleur équilibre entre les sexes. La planchiste québécoise Laurie Blouin, médaillée d’or au X Games 2019 en big air, se réjouit des progrès réalisés et pense que ça devrait encourager l’industrie du surf à poursuivre sa transformation : «Le snowboard pour les filles, ce n’est plus ce que c’était. C’est chill.»

En chemin vers l’égalité

Preuve que l’industrie du snowboard a une bonne longueur d’avance : les X Games instauraient la parité salariale en 2008, 10 ans avant la WSL. « [La parité salariale] c’est la norme partout depuis longtemps, sauf peut-être dans quelques compétitions régionales où il n’y a pas beaucoup de filles, comme c’est le cas des fois au Québec. Et même là, ça ne devrait pas être comme ça. », affirme la planchiste. Les compétitions sont ouvertes autant aux hommes qu’aux femmes, même les plus dangereuses.  Selon l’athlète, il faut avoir de la détermination et du caractère pour réussir, même si l’apparence physique demeure un élément non négligeable dans la recherche de commanditaires. Mais certainement pas aussi important qu’en surf, ajoute-elle. Celle qui a été reconnue pour sa persévérance à Pyeongchang en remportant l’argent malgré une blessure et des conditions météo difficiles est optimiste quant à l’avenir :

« Dans les sports extrêmes, les filles commencent vraiment à faire leur place. Ça s’enligne bien, on est sur la bonne voie. En 2019, s’il y a quelque chose qui n’est pas équitable, on va le laisser savoir et on va régler le problème. » – Laurie Blouin

De plus en plus de femmes s’attaquent aux vagues

En 2018, la WSL comptait 36 surfeurs en lice contre 18 surfeuses. En 2019, elles sont 20 athlètes féminines, versus 37 athlètes masculins. Alors que le surf a longtemps été considéré comme un sport à prédominance masculine, on voit de plus en plus de femmes s’attaquer aux vagues. Un meilleur équilibre se dessine donc à l’horizon, grâce aux autres sports, à des mesures comme celles des X Games et aux athlètes qui pavent la voie pour les prochaines générations.

« Nous sommes notre pire ennemi. » Stephanie Gilmore

Il reste que tant et aussi longtemps que nous serons, en tant que société, obsédés par la beauté et que nous ne cesserons de consommer sur cette base, il sera difficile d’exiger aux marques de faire autrement. Nous avons tous un rôle à jouer dans l’atteinte d’un meilleur équilibre, non seulement au niveau du salaire et du ratio mais aussi dans les sphères de la commandite, de la couverture médiatique et de l’image de l’athlète.

À toi de jouer. Laisse les préjugés derrière, enfile ton bikini, ton wetwuit, tes board shorts ou ton suit de ski do et va surfer.


Sources:

[1] The World Surf League (WSL) Announces Prize Money Equality – WSL, 5 septembre 2018
[2] Setting the standard – The Players Tribune, 5 septembre 2018
[3] Égalité hommes-femmes des primes sur le circuit mondial de surf – Le Devoir, 6 septembre 2018
[4] ‘The greatest guy surfers surf like girls’: Meet Steph Gilmore, wonder woman of the waves’ – The Telegraph, 19 octobre 2018
[5] The surfer who wouldn’t take no for an answer – BBC, 26 février 2016