Saumon d’élevage: un saccage écologique

Des vagues aux montagnes de la Colombie-Britannique, la snowboardeuse professionnelle et surfeuse Marie-France Roy est aux premières loges pour constater les ravages de la crise environnementale. Gagnante en 2015 du Climate Activist Award de Protect Our Winters (POW), un mouvement contre les changements climatiques réunissant la communauté issue des sports d’hiver, elle poursuit quotidiennement sa bataille pour protéger la planète. Bataille qu’elle mène sur le terrain, mais aussi sur les médias sociaux qu’elle utilise pour faire passer son message. C’est de cette façon qu’elle a récemment attiré notre attention sur un problème qui menace autant l’écosystème que la santé humaine: le saumon d’élevage. Nous lui avons posé quelques questions pour mieux comprendre en quoi les fermes d’élevage de saumons sont néfastes pour l’environnement.

Photo de couverture: Douglas Ludwig Photography 

Fermes d'élevage de saumons
Photo fournie par Marie-France Roy

Tu t’es récemment exprimée publiquement contre les fermes à saumons d’élevage qui sont établies près de Tofino. Peux-tu nous expliquer en quoi celles-ci sont néfastes pour l’environnement? 

L’élevage du saumon est une catastrophe à la fois pour l’environnement et pour la santé humaine. Malheureusement, la grande majorité des consommateurs n’en sont pas informés et la vente de ces poissons malades et déformés ne fait qu’augmenter.

Il y a plusieurs problèmes associés aux fermes d’élevage de saumons. La majorité des saumons d’élevage sont infectés par des parasites comme les poux de mer et le réovirus pisciaire. Ces parasites et ces virus sont transmissibles aux populations de saumons sauvages, qui sont déjà dangereusement menacées.

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De plus, ces fermes produisent et libèrent des tonnes d’excréments, de pesticides et d’antibiotiques directement dans les eaux précieuses du Clayoquot Sound, qui est une Réserve mondiale de la Biosphère.

Puisque le saumon est un animal carnivore, il doit être nourri à l’aide d’une moulée à base de poissons qui, eux aussi, doivent être pêchés. En principe, un saumon d’élevage aura dévoré en poissons jusqu’à cinq fois son poids commercial. Ce n’est donc pas une industrie à développement durable. Il ne faut pas oublier aussi que le saumon d’élevage est beaucoup plus gras que le saumon sauvage. Étant donné que les toxines et métaux lourds s’accumulent dans les graisses, le saumon d’élevage absorbe donc des quantités beaucoup plus grandes et alarmantes de ces substances dangereuses que le poisson sauvage.

saumons d'élevage
Ferme d’élevage de saumons | Photo: Douglas Ludwig

Quel impact ont ces fermes sur l’environnement et les communautés à Tofino spécifiquement?

Il faut comprendre que ces fermes ne représentent pas le seul problème relié au déclin des populations sauvages, mais c’est l’un des éléments parmi les plus néfastes et les plus faciles à abolir pour réduire le stress sur l’écosystème. Il y a d’autres facteurs à considérer comme les changements climatiques, la perte d’habitat due à l’industrie forestière, la pollution, la surpêche et les écloseries. Mais de permettre aux fermes de continuer à opérer dans nos eaux est inacceptable et contre-productif aux efforts locaux de conservation et de restauration de l’habitat, qui coûtent déjà très cher et qui ont grand besoin de subventions. Et s’il n’y a plus de saumons (ce qui est très possible d’ici les prochaines décennies), l’épuisement des stocks va détruire l’importante industrie de pêche sportive et commerciale locale et une majeure partie du tourisme, qui est beaucoup plus lucrative que celle de l’élevage au BC.

Le déclin du saumon Chinook affecte aussi directement la population des épaulards résidents du Sud, qui sont en voie de disparition avec seulement 76 spécimens vivants. Ils se nourrissent principalement de Chinook et jouent un rôle essentiel dans l’écosystème marin local et ont une importance culturelle pour les peuples autochtones et les collectivités côtières de la Colombie-Britannique. Bien sûr, il y aura toujours un débat important au sujet des emplois que représente l’industrie de la pisciculture, mais nous pouvons trouver des alternatives. Continuer à détruire la nature à une si grande échelle pour quelques emplois n’est jamais un bon investissement à long terme de toute façon. 

Existe-t-il des alternatives moins nocives pour l’environnement que l’élevage à ta connaissance?

Malheureusement, une grande majorité des poissons, même sauvages, sont trop contaminés pour être mangés régulièrement. La plupart des grands cours d’eau dans le monde sont contaminés par le mercure, par des métaux lourds et des produits chimiques comme les dioxines, les PCB, etc. Certains parlent de fermes de saumons basées sur terre, mais elles sont tellement dispendieuses qu’elles ne sont pas viables et elles ont plusieurs problèmes aussi. Il faut surtout comprendre que de manger du saumon, c’est un luxe! Ce n’est pas sain pour l’écosystème de vouloir offrir ce luxe partout dans le monde à un prix aussi bas.

Il ne faut jamais acheter de saumon d’élevage, mais il faut aussi réduire notre consommation de saumons et de poissons en général. Et si on en mange, c’est important de s’assurer qu’ils viennent de source sauvage et de pêche responsable. Nous sommes en pleine crise environnementale mondiale. Nous vivons dans cette illusion que nos ressources sont inépuisables et que nos déchets disparaissent comme par magie. Mais ce n’est pas le cas et ce que nous ne parvenons pas à protéger maintenant va nous coûter beaucoup plus cher dans un futur très proche.  

D’abord, il ne faut absolument jamais acheter de saumon d’élevage, mais il faut aussi réduire notre consommation de saumon et de poissons en général. Et si on en mange, c’est important de s’assurer qu’ils viennent de source sauvage et de pêche responsable. – Marie-France Roy

manifestation fermes saumons
Photo: Douglas Ludwig

La communauté s’est par ailleurs mobilisée pour demander au gouvernement de faire cesser cette pratique. Qu’avez-vous fait exactement? Avez-vous eu une réponse?

Il y a eu plusieurs démarches de sensibilisation et de demandes gouvernementales depuis quelques années partout à travers le monde et au BC, mais c’est plus récent dans le coin de Tofino. Quelques résidents et membres des communautés autochtones locales ont organisé un «Talking Circle» au début de l’été à Tofino pour engager une conversation pacifique à propos des différents problèmes et essayer de trouver des solutions.

Quelques semaines plus tard s’est tenue une Flotilla, où environ 30 à 40 bateaux remplis de locaux ont suivi l’équipe du Sea Shepherd RV Martin Sheen pour se diriger en paix au site de l’une des 20 fermes dans le Clayoquot Sound. Le but est de continuer à mettre de la pression au niveau gouvernemental pour faire cesser le renouvellement des licences des fermes et aussi d’éduquer le public sur les enjeux en question. 

Ce qu’il faut subventionner, c’est des emplois qui prennent en considération les impacts sociaux et environnementaux avec autant d’importance que les profits financiers. – Marie-France Roy

Que réponds-tu aux travailleurs qui soutiennent que ces fermes d’exploitation sont leur seule source de revenu et qu’ils ne veulent pas les voir fermer malgré tout?

Je crois que nous devons définitivement trouver des solutions pour créer des emplois à long terme dont les gens seront fiers et qui ne détruiront pas l’environnement. Il y a déjà différentes solutions intéressantes comme la culture d’algues et de varech ou le développement de l’écotourisme. Mais continuer à investir dans une industrie qui décime la richesse naturelle jadis abondante pour produire de la nourriture toxique, ça ne rend service à personne. Ce qu’il faut subventionner, c’est des emplois qui prennent en considération les impacts sociaux et environnementaux avec autant d’importance que les profits financiers.

saumons d'élevage
La Flotilla | Photo: Douglas Ludwig

Sur Instagram, tu mentionnais que plus tu postais pour dénoncer des enjeux environnementaux, plus tu perdais des followers.. Mais que tu allais continuer, coûte que coûte. Qu’est-ce qui te drive comme ça ?

J’ai été chanceuse de grandir à jouer dehors dans Charlevoix avec une famille qui apprécie la nature et le plein air. Je pense que c’est pour ça que j’ai toujours eu une connexion très forte avec la nature. C’était évident pour moi même à un très jeune âge que nous devions vivre en harmonie avec nos écosystèmes pour survivre. J’ai étudié en Écologie Appliquée parce que savais que de trouver cet équilibre serait visiblement l’un des plus grands et complexes défis de l’histoire humaine et avec des conséquences catastrophiques si nous continuons au rythme actuel. Ce n’est pas parce que je «trippe» sur l’environnement que je vais continuer, c’est parce que je suis honnêtement inquiète pour notre futur. En tant qu’êtres humains qui bénéficient directement de la vie sur terre, c’est notre devoir de la protéger. 

 

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I am that girl. Lately I feel like all I have been posting and talking about is on environmental issues. And I am not sorry. I have been losing followers every time and I don’t care. It’s too easy to gain a following posting beautiful pictures of ourselves trying to look cool but I have no admiration for it. We can’t just keep looking away or ignoring this. We are in a state of global environmental destruction crisis. The real and coolest heros to me are the ones speaking up and working toward saving life on Earth for us all and that is not easy. At the rate we are going, our planet will become a very harsh and sad place to live within our lifetime so why isn’t this treated as an emergency? It is not fair to leave it to First Nations, scientists and activists alone to fix it. We all need nature to survive and the issues are so huge and interconnected that we need the whole population to understand and make efforts. Nobody is perfect and we are all guilty of our footprint so we must stop criticizing each other and just do better where we can. The number one question is always “what can I do?” I would answer to at least just take time in your life to educate yourself and others in a respectful manner. Once someone is aware of how important this is, there is clarity on many ways to help depending on each person’s situation and surroundings. The initiatives can’t be the same for everyone and that is fine! But let’s just do better. The last picture is of my niece and I am truly hoping that she and all living species on Earth have a future worth living. ❤️ #notsorry #fishfarmsgetout

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Par ici pour en apprendre plus sur Marie-France et son petit coin de paradis, Ucluelet.

Quelques conseils pour distinguer le saumon sauvage du saumon d’élevage:

La plupart des gens ne veulent pas encourager les fermes d’élevage de saumon, mais ne réalisent pas qu’ils en mangent régulièrement. Le saumon d’élevage est servi partout, jusque dans les restaurants reconnus, et même au BC où le saumon sauvage devrait être plus accessible. Pour éviter de t’en faire passer une petite vite, il vaut mieux toujours demander à ton poissionnier et aux restaurateurs d’où vient leur saumon. S’il vient de l’Atlantique, c’est presque certain qu’il vient d’une ferme d’élevage. Il faut donc l’éviter à tout prix. S’il est sauvage, ça devrait être indiqué sur l’emballage… mais sache que certaines entreprises mentent. Règle générale, réduire ta consommation de saumon est la meilleure solution. Si tu tiens absolument à manger du poisson, choisis des petits poissons en bas de la chaîne alimentaire comme la sardine, des espèces non menacées et favorise la pêche locale autant que possible.

 

Curieux d’en savoir plus? Visite le site de Patagonia dédié à la sortie du nouveau film Artifishal, qui regorge d’info à ce sujet.