De surfeur à permaculteur

Au moment où nos actions et nos décisions peuvent grandement affecter l’avenir de notre planète, deux choix s’imposent: celui de créer un futur plus vert ou celui de la facilité, qui souvent mène à la la destruction perpétuelle de notre environnement. Mais rien de nouveau. Dans les années 1970-1980, les amoureux de la nature tentaient de visionner une façon de vivre davantage en harmonie avec mère nature. Le surfeur des côtes d’Angleterre Geoff Lawton rêvait autrefois de mener une vie autosuffisante en symbiose avec les éléments l’entourant. C’est lors d’un voyage en Australie qu’il a fait la connaissance de Bill Mollison, un biologiste et professeur enseignant une nouvelle philosophie de vie; la permaculture.

Photo couverture: Bill Mollison par David Holmgren

Au-delà d’être un mot «grano», c’est quoi la permaculture?

On a tous déjà entendu des échos de ce mot. Que ce soit à travers un documentaire, une tante éloignée à la campagne, ou un article sur internet. Le concept prend certainement de l’envergure au sein de notre société. Mais c’est quoi au juste la permaculture? C’est simplement un état d’esprit que tu adoptes dans la vie de tous les jours. Un mode de pensée qui filtre constamment tes décisions et tes gestes. Un peu comme un surfeur qui va baser son quotidien sur les conditions du swell. Il fera tout en son possible pour être à l’eau; un filtre permanent s’est installé.

Et bien, c’est la même chose pour la permaculture. Vouloir faire tout en son possible pour rendre son empreinte écologique la plus positive en se posant la question «est-ce que mes habitudes de vie respectent le flow de la nature ou ont-elles un impact négatif sur elle?». En d’autres mots, c’est l’idée de travailler en interaction avec mère nature plutôt que contre elle. Tout comme on a besoin de travailler avec elle lorsque qu’on surfe, où l’on fait de l’océan son allié en respectant sa force.

Cette philosophie de vie prône l’utilisation des ressources qui sont à proximité, le but étant de dépenser le moins d’énergie possible. Consommer des produits venant d’un autre pays, tandis qu’ils sont accessibles aux boutiques de son quartier, c’est un peu absurde non? Et surtout pas eco-friendly. Encourager nos voisins et leurs familles plutôt que les grosses entreprises, ça fait du bien à tous. Par exemple, tu peux  choisir d’acheter une planche de surf faite aux États-Unis par une grosse compagnie qui utilise des produits non-renouvelables et nocifs pour l’environnement. Ou alors, tu peux acheter ton surf via une entreprise locale utilisant des matériaux recyclés et des alternatives plus écologiques. Tu peux aussi essayer de shaper ta propre planche! C’est entre autres ça la permaculture, être conscient de sa consommation à tous les niveaux.  

Jardin spiral d’herbes médicinales en Allemagne. Crédit photo: Sarah Laviolette

La permaculture, c’est autant prendre le temps de produire ses propres aliments, qu’encourager la production locale, qu’utiliser son vélo plutôt que sa voiture, qu’adhérer aux énergies renouvelables que de consommer intelligemment. Il y a des piliers plus essentiels tels que l’agriculture biologique durable ou encore l’économie d’énergie, mais les idées derrière le concept peuvent être appliquées dans la vie de tous les jours, nul besoin de devenir agriculteur à temps plein!  

« La monoculture est un modèle voué à l’échec en agro-écologie. La Californie en est un bel exemple, avec le manque d’eau actuellement. Il faut penser pour demain. » –Benoit Girouard, président de l’Union paysanne au Devoir

L’océan comme élément unificateur

Être reconnaissant des vagues parfaites que mère nature façonne, c’est une façon d’être reconnaissant de ce qu’elle t’offre. Mais ce à tous les jours, pas seulement quand tu surfes. Réaliser qu’elle nous nourrit et que sans elle, on ne serait pas ici. En retour, on peut collectivement créer un équilibre entre nos habitudes de vie et les écosystèmes qui nous entourent afin d’assurer un futur sain et profitable pour tous.

Tout comme Geoff qui s’est installé en Australie pour devenir l’un des meilleurs étudiants de Mollison et prendre la relève, c’est le surf qui m’a éventuellement ouvert la porte vers une conscience plus écologique. La principale motivation qui m’a poussée à partir à la découverte du monde, c’était la vision d’un mode de vie simple en symbiose avec la nature. Être une « surf bum » me paraissait comme un bon début. C’est à travers mes voyages en Océanie que j’ai vécu ma première expérience de vie communautaire visant l’autosuffisance et l’agriculture biologique. En faisant du wwoofing à Wilderland en Nouvelle-Zélande, j’ai découvert une nouvelle passion, un nouveau mode de vie: celui de la permaculture et tout ce qui s’y rattache.

« You feel like you have a role to play, something meaningful that you can do with your life […] Every surfer remembers the best barrels they’ve pulled in to. Time is just ticking away, super slow motion. And it’s locked in your memory. That’s the kind of engagement you are getting into when you are in a meaningful work. »  Geoff Lawton

Le jeune surfeur et amoureux de la nature qu’était Geoff est maintenant conférencier à l’international et a mis sur pied une série de cours pour enseigner la philosophie de Mollison. Il reconnaît que la permaculture lui a ouvert les yeux sur ce qu’il pouvait accomplir dans la vie; quelque chose de significatif.

Jean-Martin Fortier, dirige la ferme Quatre-temps. Crédit photo: The Market Gardener

La permaculture en sol québécois

Évidemment, il n’y a pas qu’en Australie où le mouvement se fait sentir. La ferme des Quatre-Temps est un bel exemple d’entreprise locale et engagée au Québec. Situé à Hemmingford en Montérégie, son directeur Jean-Martin Fortier et ses collègues philanthropes ont comme objectif « d’ouvrir la voie vers un modèle agro-alimentaire plus écologique et nourricier pour l’ensemble du Québec. » Ils utilisent des techniques agricoles traditionnelles, inspirées des idées de la permaculture.

La ferme s’est également attribuée la mission de former et d’offrir les outils nécessaires aux futurs agriculteurs innovateurs de demain. Ils offrent des stages pour ceux et celles qui voudraient approfondir leurs connaissances sur l’agriculture qu’ils décrivent comme régénératrice et permaculturelle. Si vous êtes simplement curieux de leurs produits et que ça vous tente de leur jaser, ils participent à plusieurs marchés fermiers à Montréal, dont celui de Jean-Talon.

Comme Jean-Martin et Geoff, on a toujours le choix. Le choix d’encourager l’équité plutôt que l’injustice. Le choix de prendre soin de la nature qui nous entoure plutôt que de la polluer. Le choix de penser d’une façon communautaire plutôt qu’individuelle. Le choix de penser aux futures générations et l’état dans lequel on leur lèguera la planète Terre.